Yvann Alexandre à la tête du nouveau Théâtre Francine Vasse

« Francine » rejoint « Vasse », voici le premier symbole d’une refonte totale du projet du lieu. Yvann Alexandre, chorégraphe de métier, reprend le flambeau et tentera de porter, avec son équipe, une vision chaleureuse de la culture en mettant l’humain en avant. Les habitants, les spectateurs et les artistes seront ainsi impliqués au quotidien, la programmation n’étant pas fixe comme il nous a expliqué lors d’une visite au théâtre. Il tient de suite à préciser que sa compagnie qu’il gère en parallèle ne prendra pas d’assaut le théâtre puisqu’elle n’y jouera pas. Il appuie ainsi son choix : « Je suis très heureux dans le projet des autres, c’est une vraie respiration ».

Beaucoup d’expérimentations, d’outils de cohésion inventés, de nouveaux moyens de transmission entre le public et les artistes seront testés tout au long de cette aventure. Le lieu n’aura pas de cadre, il s’adaptera aux artistes et aux envies en consacrant notamment de long temps de créations. Ainsi, les artistes ne viendront pas pour un spectacle particulier mais s’investiront, une semaine durant, au Théâtre Vasse pour apporter quelque chose de différent. Un fonctionnement finalement à l’inverse d’une salle culturelle lambda où la programmation au coup par coup prime souvent.

La tarification sera extrêmement accessible comme le souhaitait à la fois la Ville de Nantes, à qui appartient le lieu, et Yvann Alexandre et son équipe. Par exemple, un tarif « famille composée » pour 5 personnes (sans aucune condition supplémentaire) sera proposé tout au long de la saison. Seul ou accompagné, venez échanger, créer de nouveaux liens et profiter de cette saison atypique. Entre les temps forts et les événements extérieurs intégrant la programmation du Théâtre Francine Vasse, chacun trouvera un moment pour s’y rendre, sans aucun doute.

Yvann Alexandre, tu as récemment pris la tête de l’ancienne salle Vasse désormais appelée Théâtre Francine Vasse. Que peux-tu nous dire sur ce changement de nom tout d’abord ?

YA : La Salle Vasse est très connue des Nantais mais « Vasse » n’évoque pas forcément quelque chose. Par ailleurs, le mot « théâtre » est pour moi très important. Le lieu est d’ailleurs ouvert à la location comme c’est un équipement municipal. C’est donc essentiel de clarifier et de préciser ce qu’est vraiment le lieu au moins pour ce point. On ne va pas dans une salle comme dans un théâtre. Ensuite, j’ai souhaité rajouter le prénom Francine pour faire la lumière sur qui était Mme Vasse. C’est un vrai symbole, ce fut une très grande comédienne et une directrice de troupe pendant une quarantaine d’années. Elle a fait ce lieu et l’a porté pendant de nombreuses saisons. Cela permet de remettre de l’humain dans le nom mais aussi de le féminiser.

En se penchant sur le programme de la saison ou sur le nouveau site créé pour le théâtre, on perçoit également l’expression « Les Laboratoires Vivants » comme nom complémentaire. Peux-tu nous en préciser la signification ?

« Laboratoires », c’est l’idée de la recherche, c’est un endroit où l’on peut essayer, tester, inventer et expérimenter. Et « vivants » pour « spectacles vivants ». J’aimais bien cette association de mots. Je trouve qu’il incarne concrètement ce projet artistique que nous montons. C’est un lieu où l’on pourra voir des spectacles mais aussi un lieu où on les fabriquera. Les artistes viendront sur des temps de résidence pour créer et/ou affiner un projet, ils ne viendront pas seulement pour jouer un spectacle.

« Le théâtre doit vivre, s’amuser et être réactif. »

Yvann Alexandre

Dans ce que l’on comprend dans ce nouveau fonctionnement, on a l’impression que le cœur du projet est de créer une cohésion entre le processus de création quotidien et les représentations publiques.

C’est totalement ça. Le théâtre est pour moi une maison créative. Les artistes doivent s’y sentir bien et prendre le temps de réfléchir et de tester plusieurs approches. En dehors des spectacles du soir si l’on puit dire, les habitants sont invités à venir faire des cours, des stages, des workshops et rencontrer les artistes tout au long de l’année. On veut œuvrer pour que différents publics se retrouvent au même endroit, autour d’un artiste. Le théâtre doit devenir un vrai lieu de rencontre, de vie.

S’il on devait comparer la Salle Vasse et le Théâtre Francine Vasse, qu’est-ce qui en ressortirait ?

Il y a plein d’espaces de continuité. Le projet qui a été mené pendant des années avait énormément d’atouts et était déjà atypique.

Ce qui change, c’est la répartition du temps au sein du lieu. Nous voulons créer un lien entre les artistes et les utilisateurs de la salle, ce qui n’existait pas vraiment avant, du moins pas de la manière dont nous allons le faire.

Que doit-on retenir comme nouveautés concrètes mises en place au théâtre dès maintenant ?

La billetterie ! C’est vraiment la nouveauté essentielle. Il y a une borne billetterie dans le lieu physique mais également sur internet.

Il y a aussi un travail important qui a été fait sur l’identité visuelle.

Le lieu va réellement ralentir avec des temps de résidence et de recherche.

Pas mal de choses seront mises en place au long de l’année comme « Êtres en création » où l’on peut s’essayer à faire du théâtre aux côtés de professionnels par exemple. C’est essentiel pour intégrer le public dans notre saison, ce ne sont pas que des mots.
Le public pourra s’inscrire à des actions sans avoir à réserver des semaines avant. On a enlevé toute logique d’abonnement en fait. Personnellement, la logique d’abonnement ne m’a jamais convaincue. Je ne prends jamais de billets 6 mois à l’avance, j’en suis incapable. Comme je suis incapable de dire que je ferai un cours de théâtre tous les mardis soir à 18h. J’imagine que je ne suis pas le seul comme ça. C’est ce que l’on a voulu retirer, cette notion d’habitude. Le pari et c’est aussi un risque, c’est qu’il n’y aura pas forcément de régularités en matière de fréquentation. Le théâtre doit vivre, s’amuser et être réactif.

Côté programmation, à quoi le public peut-il s’attendre ?

Le spectateur va trouver plusieurs propositions autour d’un même artiste, c’est essentiel pour nous. Il y en aura systématiquement, ou presque, pour tous les publics. Les horaires seront variés également pour toucher un maximum de personnes. Chaque semaine sera réinventée en fonction des envies des équipes artistiques. Ils choisissent eux-mêmes les horaires et ne décident pas à l’avance tout ce qu’ils feront sur place. Certains collaboreront d’ailleurs avec d’autres artistes qu’ils inviteront sur le temps de résidence. On met vraiment en avant cette mutualisation dans le travail pour que les artistes ne s’enferment pas dans leurs habitudes. Ils jouent tous le jeu et proposeront d’autres activités, à côté de leurs représentations « spectacle ».

Il y aura aussi une programmation « Hors les murs » qui commencera dès cet automne.

On collabore également avec des organismes internationaux sur « archipel » qui est une sorte de plateforme de collaboration et d’aide à la mobilité des artistes nantais, québécois et tunisiens par exemple. Nantes sera un point de convergence.

Vivace – Alban Richard
Mardi 5 et mercredi 6 novembre
[RE]VOIR

La saison se terminera par le temps fort [RE]VOIR. Au lieu de faire un festival sur de la nouveauté, nous allons proposer, comme son nom l’indique, de revoir des projets et des artistes qui sont passées par le théâtre dans l’année. La programmation se fera entre eux et nous, ce ne sera pas les coups de cœur du public ou les succès de l’année en matière de fréquentation. Il s’agira de fortifier les projets et les rôder davantage, de leur apporter un coup de pouce supplémentaire, d’aller plus loin en fait. On choisira donc des moments qu’ils aient bien ou moins bien marchés que ce soit à cause de la fréquentation, de la météo, d’un petit raté ou autre. Ce sont les artistes qui nous feront la demande après leur premier passage, s’ils veulent rejouer ou non. Ce sera un effet miroir sur la saison en fait. Le public nous apportera une certaine confiance en venant à ce temps fort. Par ailleurs, sa reprogrammation doit aussi faire sens, on ne reprogrammera pas un spectacle qui sera rejoué deux mois plus tard dans un autre lieu nantais par exemple. La question essentielle qui constitue la base de ce projet est celle-ci : « Quel spectacle a besoin d’être revu ? ».

Théâtre Francine Vasse
18, rue Colbert à Nantes
leslaboratoiresvivants.com