Après les tournées, hors les murs, du Pauvre Matelot dans les cafés, de L’Enfant et les sortilèges, Galantes Scènes et La Dernière Fête dans les salles de spectacles de la région, Angers Nantes Opéra a choisi cette saison de présenter Histoires sacrées de Giacomo Carissimi et Marc-Antoine Charpentier dans des églises : à Nantes, dans les quartiers du centre ville, de Nantes Nord, des Dervallières, Doulon, et Saint-Joseph de Porterie, mais aussi dans la métropole, puis à Angers ainsi que dans la Région des Pays de la Loire.

Chaque concert, chaque étape de cette tournée sera accompagnée d’un projet d’action culturelle décentralisée mené avec les habitants et associations de quartiers.

Mises en scène et en costumes, ces Histoires sacrées réunissent pour leur interprétation le Chœur d’Angers Nantes Opéra et deux solistes, dirigés par Xavier Ribes, et les musiciens de Stradivaria, dirigés par Bertrand Cuiller.

Ces trois oratorios du XVIIe siècle content les tragédies de Jonas, de Saint-Pierre et Jephté : des histoires d’hommes montrés en pleine faiblesse, tout à la douleur de leur sort qui gardent pour notre monde éprouvé par les intégrismes une émouvante et intemporelle actualité.
Que ce soit pour Jonas, avalé par une baleine pour avoir failli aux ordres divins, ou pour Pierre, mortifié d’avoir un instant renié sa foi, ou encore pour Jephté, dont aucun ange ne retint la main pour éviter le sacrifice de son bien le plus précieux, le Dieu que dépeignent ces Histoires sacrées, en un XVIIe siècle en quête d’absolu religieux, fait preuve d’intransigeance plus que de clémence. Le clergé catholique de l’époque y vit le moyen de renforcer son influence mais ces hommes, ainsi montrés en pleine faiblesse, saisis d’incompréhension, tout à la douleur de leur sort, gardent, pour notre monde éprouvé par les intégrismes, une émouvante et intemporelle actualité.
La pureté fluide des musiques de Giacomo Carissimi et de son disciple Marc-Antoine Charpentier, mêlant plaintes éthérées et grâce divine, alliant simplicité et confondante sophistication, exacerbait ces drames dans l’espoir de donner foi et salut aux mécréants, leur apportait la magnificence et la majesté des lieux sacrés où ils étaient présentés et dans lesquels une version scénique, sobre et respectueuse, les replace avec bonheur aujourd’hui.
La musique embellit les mots ; l’oratorio devient une œuvre musicale à part entière, presqu’un opéra religieux.
La force expressive et émotionnelle des oratorios, dont les trois qui sont réunis dans Histoires sacrées sont un bel exemple, leur vient de leurs origines. Pour la comprendre, il faut en effet se rendre dans la Rome du XVIe siècle, fief catholique au milieu d’une Europe secouée par la réforme protestante, qui cherche son renouveau. La musique embellit les mots, redonne vie aux vieilles écritures. Le phénomène prend de l’ampleur et l’oratorio, devient ainsi, peu à peu, une œuvre musicale à part entière.
C’est dans les années 1640, avec Luigi Rossi et surtout Giacomo Carissimi, que l’oratorio gagne ses lettres de noblesse. Le récitant guide l’auditeur dans la courte histoire, moment fort extrait des écritures, que vivent en direct un ou deux solistes, aux airs souvent poignants, tandis que chœur et musiciens apportent l’indispensable supplément d’âme.
Bien sûr, les oratorios, habilement déroulés comme des pages de catéchisme illustré, ont eu vocation à ramener dans le giron de l’église les brebis égarées, à lutter contre la Réforme quand il ne s’agissait pas, au fur et à mesure que le XVIIe siècle avançait, de contrer l’opéra païen dont le succès, de plus en plus populaire, risquait de faire ombrage à la papauté. Scarlatti et Stradella seront les stars de ce combat de fin de siècle, en profitant notamment de l’interdiction qui était faite de fréquenter les opéras durant les périodes de carême. Mais G. Carissimi et son élève M.A. Charpentier resteront quant à eux dans les mémoires pour s’être montrés plus amoureux de musique que de prosélytisme.


Angers Nantes Opéra
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