La french touch anglaise

Un titre paradoxal pour présenter Evergreen, anciennement We Were Evergreen. Ce trio français installé en Angleterre depuis 8 ans a sorti Overseas il y a quelques semaines. Étonnés par la forte présence de la langue française à la première écoute, on se rend vite compte que le groupe a fait le bon choix. C’est d’ailleurs ce que Michael, l’un de ses membres, a tenu à nous expliquer.

 

Votre second album fait la part belle à la langue française contrairement au premier qui avait privilégié l’anglais. Êtes-vous tiraillés entre ces deux possibilités ?

Michael : On était plus naturellement porté vers l’anglais au départ, c’était la langue de nos influences principales. Je composais en anglais car je m’en sentais plus proche finalement. Il y a eu une sorte de réaction inattendue en allant vivre en Angleterre, j’ai vu mes influences françaises d’un autre œil. J’ai eu l’envie de revenir vers la langue des mes racines. C’était sûrement pour faire un contrepoids avec ma vie anglaise. On a déménagé là-bas il y a 8 ans maintenant. J’ai eu cette sensation d’être entre deux territoires, la langue française me permettait de me reconnecter avec mes origines. L’anglais a nourri mon rapport au français.
Sur ce second album, on a voulu se rapprocher d’un équilibre entre l’anglais et le français pour caractériser l’attachement de notre groupe aux deux pays. C’est ce qu’on a voulu représenter.

Plus généralement, le français reprend petit à petit ses droits sur la scène pop. A quoi est-ce dû selon toi ?

En 2010, on sortait d’une période où tout ce qui se passait en français n’était pas très intéressant. Les gens avaient tendance à abandonner le français et cela a pris de l’ampleur. En France, nous avons un lourd héritage musical qu’il est difficile d’oublier. On ne sentait peut-être pas assez légitime, on ne se donnait pas la liberté de chanter en français notamment dans la pop. Et finalement, en réaction à ce manque, certains ont voulu rompre ce blocage. Désormais, nous avons une pop française qualitative et passionnante même si je pense que nous gardons des influences musicales majoritairement anglo-saxonnes.

Selon toi, est-ce que Towards vous a fait connaître par un public plus large ?

Je ne pense pas non. L’album est sorti en 2014 mais nous nous sommes formés en 2008. On a beaucoup évolué, on a fait de nombreux titres, des EP … Nous avions déjà des projets concrets, l’album a juste confirmé tout ce travail. Je le considère presque comme un deuxième album. On le voulait déjà plus sombre et électronique que ce qu’on avait fait par le passé. Il ne reflète pas forcément nos débuts. C’était déjà une évolution marquante.

Avez-vous une petite appréhension à présenter Overseas aux londoniens ?

Les anglais ont une attirance pour le français et ils ne comprennent pas vraiment les paroles donc le rapport est différent. Idem pour le public français et la musique anglaise. Du coup ils ne s’attachent pas aux mêmes choses. La barrière s’efface vraiment au fil des années, ce n’était pas comme ça il y a une décennie. Leur scène est foisonnante, cela les empêche parfois de découvrir d’autres choses mais il y a une ouverture réelle. Quand ils ont l’occasion d’entendre de la chanson française, ils en profitent et la curiosité prend le dessus. Le rythme et la musicalité sont alors très importants.
Il y a un intérêt pour la scène française à l’étranger, il suffit de voir le succès que rencontre Christine and The Queens.

Que représentent les lignes et les courbes dessinées sur la pochette de cet album ?

Comme je le disais, cet album exprime la traversée d’un territoire à un autre. Par la mer, dans notre cas. C’est ce qu’on évoque dès le premier titre « Tongues ». La mer est pour nous un espace de transit mais également une frontière politique notamment lorsque l’on voit les problèmes de migration rencontrés actuellement. La mer est une sorte de « no man’s land ». C’est une pochette un peu abstraite mais il y a quand même cette ligne centrale qui symbolise pour nous la frontière. Il y a plusieurs couleurs pour montrer le métissage de ces pays, la liberté et la mixité.

 

Pour revenir sur votre nom de scène, pourquoi êtes-vous passés de We Were Evergreen à Evergreen ?

Par simplification déjà mais également pour assumer ce que l’on est. Ce qui nous plaisait dans le premier nom c’était ce côté paraxadoxal, cette antiphrase. Mais c’était un peu complexe, nous avons préféré l’épurer. Evergreen a plusieurs significations. La jeunesse éternelle mais également l’aspect poétique du végétal.

Quelle est la scène la plus « green » que vous ayez foulée ?

We Love Green, c’est évident même si c’est en banlieue parisienne (rires).
En Angleterre il y a plusieurs festivals de ce genre, notamment le Wilderness que nous aimons beaucoup. Il se trouve dans la région d’Oxford. Nous avons joué dans une clairière à proximité d’une forêt et d’une rivière. On peut même s’y baigner après le concert ! C’est très agréable, on a été plusieurs fois là-bas.

Michael © Nils Duquesnoy

L’album pop français que tu as aimé dernièrement ?

Celui de Malik Djoudi ou celui de Petit Fantôme.

Parlons un peu de la pop nantaise. Voyou, Lenparrot, Pégase & Mou. Les connais-tu ?

J’attends de voir ce que Voyou et Mou vont sortir, c’est assez prometteur ! Mais j’aime bien les deux autres également.
J’aimerais bien citer Moussa également. Il n’a sorti qu’un seul morceau « Cabrioli ». Il risque de vraiment exploser prochainement !

 

Evergreen – Overseas
15/06/2018 Because Music

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard