Magyd Cherfi, le parolier
Magyd Cherfi est féru d’écriture, ses mots prennent le dessus sur sa voix et ce depuis des années. Membre du groupe Zebda, il a sorti cette année son 3ème album solo afin d’explorer un univers différent et propre à ce qu’il est. Catégorie Reine est particulièrement réussi, nous avons donc souhaité le connaître davantage alors qu’il passe cette semaine à la salle Paul Fort.
Quels souvenirs gardez-vous de la longue aventure Zebda débutée dans les années 90 ? Est-elle finie ?
Magyd Cherfi : Je garde le souvenir des premières années quand nous jouions sans nous préoccuper du lendemain. Cela nous obligeait à une solidarité de tous les instants. Je garde en mémoire nos encouragements mutuels et c’est dans ces moments là qu’on sait si le groupe est solide et s’il va persévérer.
Quelles ont été vos motivations pour vous lancer en solo en 2004 ?
J’ai toujours eu envie d’une expression plus intime. Avec Zebda nous étions dans des combats globaux il me manquait quelque chose de plus intime, de plus personnel. Avec Zebda nous utilisions le « nous » en solo le « je » a refait surface.
Pourquoi dix années ont-elles séparées vos deux derniers albums ?
Parce que je me suis mis à écrire des livres et surtout nous avions envie d’aller voir ailleurs, de nous ressourcer, de tenter des expériences différentes avec d’autres artistes, d’autres musiciens, d’autres auteurs. Faut dire que nous avions vécu une quinzaine d’années les uns sur les autres sans interruptions.
Catégorie Reine était prévu depuis longtemps ?
Oui aussitôt fini mon second album que j’ai tout de suite eu envie d’entrer dans le troisième. J’étais dans un élan absolument vertigineux et je pensais pouvoir boucler ce troisième rapidement mais Zebda m’a rattrapé et j’ai donc mis en stand by tous mes brouillons
Si vous n’aviez pas chanté, seriez-vous devenu écrivain ? Est-ce que vous aviez pensé à cela dans votre jeunesse ?
Je dois dire que j’ai d’abord voulu être écrivain, je n’avais pas envisagé entrer dans la musique. Je suis donc revenu à mes amours d’origine. Faut dire que je suis en priorité quelqu’un de l’écrit.
Quels jeunes artistes paroliers vous impressionnent le plus ?
Je suis fan de Vianney, de Delerm, Bénabar, j’aime aussi Fauve, La Femme, Camille et Juliette Armanet. Je pense que chaque génération apporte son lot de modernité.
Un seul featuring est présent sur votre album, avec Olivia Ruiz. Avec qui d’autres aimeriez-vous collaborer si l’occasion se présentait ?
Je crois que j’aurai aimé collaboré avec des artistes de hip hop comme Akhenaton (NDLR actuellement en tournée avec IAM), Booba, Oxmo Puccino. J’aurai aimé ma poétique pudique avec des textes plus tranchants, j’aime la mixité des styles, la mixité en général.
On a rencontré Ibeyi le mois dernier, on a parlé des causes qu’elles défendaient à travers leurs morceaux. Pour vous, qu’est-ce qu’un artiste engagé ?
Un artiste engagé c’est d’abord quelqu’un qui a des convictions en dehors même de la musique, c’est quelqu’un qui a un parti pris et qui ne cherche pas le consensus. L’engagement c’est ne pas faire plaisir à tout le monde.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous choque le plus dans la société française ?
Ce qui me choque c’est de voir une société se couper en deux, on assiste à une communautarisation des uns et des autres, à un repli général. On n’arrive décidément pas à cette société multiculturelle qu’on appelle tous de nos vœux en vain. La peur envahit les esprits et on désespère de voir venir la fraternité.