Pas toujours évident de porter un patronyme comme celui de Chedid. En fonction des circonstances celui-ci peut être tout autant synonyme de passe-droit que croix à porter… Mais fort heureusement, c’est bien loin de ses futiles tergiversations que Joseph Chedid avance, seul, sous le pseudo de Selim. Avec pour principale carte de visite un premier album très réussi. Avant son passage à Nantes pour en faire la promotion, nous avons rencontré le parisien. Et première constatation, il est aussi humble et sympathique que le reste de la famille. Mais promis, nous arrêterons là tout parallèle car, sur disque ou sur scène, l’artiste nous prouve largement qu’il est unique…
Bonjour, tu entreprends une carrière sous le nom de Selim. Pourquoi ce pseudo ? Etait-ce un dilemme de prendre ou ne pas prendre le patronyme familial. On doit inévitablement peser le pour le contre non ?
Oui c’est certain qu’on y pense… Selim, c’est en fait mon deuxième prénom. C’est un prénom oriental. C’est aussi une manière de partir sur quelque chose de personnel, de créatif, lié en même temps à mes racines familiales. Et j’aime bien cette sonorité… étymologiquement cela signifie « fiabilité », « pureté », sain », et ça m’allait bien dans cette quête de me construire, d’être moi-même… Au fil de la vie.
L’album s’intitule « Maison Rock ». La Maison semble avoir été longue à construire, en différentes étapes, elle semble héberger différents locataires aux humeurs variées, avec différents styles d’aménagement et décoration… Un peu comme une maison ou chacun écouterait une musique un peu différente, un peu aussi comme un château que l’on visite et où l’on peut reconnaitre les différentes époques. Me trompe-je ?
C’est une belle analyse car c’est effectivement une construction, les débuts presque d’un adolescent, qui se pose des questions, cherche sa place dans le monde, qui a envie d’avancer, d’évoluer, de grandir, de se construire, et qui met là un premier jalon, un premier repère, avec ce premier disque pour construire sa maison… Voilà pour la démarche intérieure du projet. En termes plus musical, c’est un mélange de pop, rock, chanson, électronique, un melting-pot de plein de choses que j’aime, une écriture assez spontanée, sincère en tous cas, parfois poétique, parfois plus cru, mais extrêmement sincère… il a été écrit sur plusieurs années, c’est aussi ce qui fait qu’on semble changer d’univers à chaque morceau effectivement, mais c’était aussi une volonté que d’offrir un climat différent pour chaque titre, créer différents univers, partager différents sons…
Tu parles d’un commencement, alors que tu as un passé, un vécu de musicien… Pourquoi avoir attendu autant, le cap de la trentaine pour un premier disque. Dans une famille si prolixe ?
En fait C’est un truc instinctif. On y réfléchit pas trop. Un jour tu te dis, c’est maintenant, j’ai envie, j’ai besoin. Je n’étais peut être pas prêt avant. Tout simplement. J’avais envie de me nourrir d’autres expériences, et puis là le temps était venu, de m’affranchir de tous ces questionnements intérieurs, ma place dans une famille d’artistes aussi bien sûr. J’avais besoin de me construire une base solide pour pouvoir le vivre dans le plaisir et pas dans une quelconque souffrance. Je me sens bien avec tout ça aujourd’hui et je prends du plaisir à être moi-même, à faire partie d’une belle famille tout en ayant ma propre histoire musicale, et que tout ça se rejoigne…
Plutôt que de ramener l’interview a des comparaisons avec ton frère, peux-tu nous évoquer les différences que tu perçois entre vous deux ?
Nos voix, étonnamment, nous caractérisent bien, même si on peut certainement trouver des similitudes avec celle de Mathieu, elles sont finalement bien différentes. On ne la place pas de la même manière. On ne le vit pas de la même manière. Je me place effectivement plus du côté rock ou électronique. Mais même au-delà, au sein de la grande famille Chedid, ce sont nos quatre personnalités qui sont assez tranchées et différentes, et le reste coule naturellement. On ne cherche pas à se différencier à tout prix. On n’a pas besoin de les justifier, elles sont là. On n’est pas au même moment de nos vies, Mathieu, Louis, Anna et moi…On a tous nos repères… Les différences m’intéressent autant que les similitudes, ce terreau commun qui nous uni. Ma voix est placée plus basse, plus éraillée, elle déraille davantage, plus rock, plus imparfaite. Une sorte de fougue de jeunesse, il y a un côté « j’assume parfaitement le n’importe quoi !! », chez moi, avec une envie de profondeur et un message quand même (rire !)…
Vous venez d’achever une tournée en famille ? Comment ça s’est passé ? Comment l’as-tu vécu ?
C’est une peu comme un mirage magique, une parenthèse musicale et humaine, ça s’est passé extrêmement bien, c’était super enrichissant, ça nous a nourri, d’être bien ensemble, les uns avec les autres, de jouer ensemble, Mathieu dirait que c’était « initiatique », assez pur, on a donné et pris du plaisir, chacun à da place, et on a senti que le public le vivait… C’est une chance pour moi, j’ai appris et profité beaucoup de tout ça…
Tu as déjà collaboré avec de nombreux artistes, Arthur H, Mathieu Boogaerts, M et Nach bien sûr. Des projets à venir dans ce sens ?
Là, j’ai vraiment envie de me concentrer sur mon projet Selim, je prends beaucoup de plaisir à le construire, à l’installer, je me sens de plus en plus à l’aise pour donner ce que j’ai au fond de moi. C’est un moment pour Selim… Mais, oui, des collaborations il y en aura toujours, je travaille notamment actuellement avec des artistes plus de mon âge, un travail sur la production, un album de Lou Rotzinger enregistré tout en live et un pour Ananda, qui débute, deux artistes que j’aime beaucoup. C’est davantage de la production. Et j’ai pas mal joué avec Anna. Je suis ouvert aux collaborations, Mais j’ai tellement d’envie et d’idées pour mon projet que j’essayes de m’y cantonner…
Une tournée qui démarre, comment ça se passe?
Oui après la sortie de l’album, on entame une tournée en groupe. Un batteur, un clavier, un projectionniste multi-instrumentiste… Une petite troupe, cinq sur la route, un peu comme un cirque… Jouer avec la famille m’a permis d’expérimenter mes morceaux en live… Là, c’est le grand bain, c’est cool, j’y retrouve l’énergie plus rock que j’affectionne…
Déjà en projection d’un deuxième album ?
Oui. Je commence à travailler dessus, c’est excitant. Je pense le finir après la tournée.
Un titre fétiche à faire tourner en boucle, dans ton casque, sur la route ?
Oh, il y en a plein, des anthologiques comme des contemporains, ça va de Bowie à Jack White, mais allez, selon l’humeur du moment, je dirais Bill Withers avec “Harlem”…
Propos recueillis par Laurent Charliot
Crédit Photo : Chat