Suzane passera son été sur les routes
(et devant vous)

Elle se produira dans plus d’une trentaine de festivals cet été. Du conservatoire de danse classique d’Avignon aux boîtes de nuit, Suzane s’est construite d’influences éclectiques qui rendent sa musique unique. Elle s’impose aujourd’hui comme porte-parole d’une électro puissante rythmée par des textes intelligents et engagés. Son premier EP Suzane dévoile une signature vocale reconnaissable, on y découvre une femme à la fois contemporaine et intemporelle. Suzane est l’une de ces artistes que l’on écoute en montant le volume au maximum. Retenez bien son nom, ce n’est pas la dernière fois que vous en entendrez parler !

Comment as-tu été amenée à faire de la musique et du chant ?

Suzane : J’ai connu la musique d’abord par la danse, j’aime dire que mon premier instrument c’est le corps. J’ai commencé la danse très jeune et j’ai fini par pousser la porte du conservatoire vers mes 8 ans, ça a duré une bonne dizaine d’année. J’ai appris beaucoup de choses mais au bout d’un moment le quotidien m’a usé.

Pour le chant, c’était aussi au conservatoire, je devais avoir 14 ans. Je chantais aussi dans les couloirs ou sous la douche mais ce n’est pas très original (rires). Mais je me suis dit « j’aime aussi m’exprimer avec ce moyen qu’est la voix » et j’ai commencé à chanter du Piaf, du Brel… C’est les premières chansons que j’ai apprises par cœur, le texte m’a tout de suite attirée.

Dans tes clips on retrouve des chorégraphies assez modernes, comment es-tu passée de la rigueur du conservatoire à ces mouvements déstructurés ?

A 17 ans j’ai arrêté la danse sur un coup de tête par rapport à un événement personnel. Et puis cette routine commençait sérieusement à me peser. Je suis allée danser dans des clubs, j’ai troqué ma barre de danse classique contre les sols collants des boîtes. J’y ai retrouvé cette envie que je n’avais plus, cette joie de danser librement. Et c’est là que j’ai connu la musique électronique. J’ai pris ma première claque en écoutant les DJs de l’époque : les Daft Punk, Vitalic, Justice…

A quel moment as-tu commencé l’écriture ?

Lorsque j’étais serveuse, pendant 4-5 ans, j’’écrivais sur des bouts de papier, ce n’était pas vraiment des chansons. J’ai notamment travaillé à Montpellier dans un Diner américain. Ils passaient toute la journée Elvis Presley dans les télés du restaurant. Je le regardais danser avec beaucoup d’envie. Je me suis dit « c’est ce que tu voulais avant et c’est ce que tu n’es plus aujourd’hui », ça a fait un vrai tilt dans ma tête. A ce moment-là, l’envie était vraiment revenue et, sur un coup de tête, j’ai quitté ce job, j’ai dit « stop ». Je voulais écrire davantage mais aussi chanter alors je suis montée à Paris. J’ai enchaîné des boulots comme serveuse, il fallait bien que je vive mais j’avais cet objectif au fond de moi qui me guidait. Ça m’a permis d’écrire davantage car à ce moment-là, ce n’était plus une envie mais un besoin.

Qu’est ce qui t’inspire quand tu écris ?

Je m’y suis mise en regardant les clients, le contexte dans lequel j’étais à ce moment-là.

Après bien sûr dans chaque personnage que je décris il y a beaucoup d’intime. Il peut y avoir de mon entourage, des émotions personnelles…

Comment es-tu passée de l’écriture à la composition de morceaux ?

L’un de mes amis m’a parlé de Chad Baccara qui venait d’ouvrir sa boîte de production. Il a écouté mes chansons, il a trouvé ça bizarre au début, spécial. Et puis il m’a dit « la première fois « spécial », la deuxième fois « il y a un truc » et la troisième fois « je suis accro » » donc il m’a appelée et a souhaité que l’on se rencontre. Humainement tout s’est bien passé, il a compris où je souhaitais aller. C’est grâce à Chad que j’ai pu rencontrer mes partenaires actuels, 3ème bureau avec qui je travaille encore aujourd’hui et W Spectacle qui me programme ces belles et nombreuses dates.

Le choix de travailler sur de la musique électronique était-il évident pour toi ?

Ça a été assez spontané de mélanger mes deux plus grosses influences qui étaient la chanson française que j’ai connue jeune et Daft punk et Vitalic qui ont bercé mon adolescence. Je me suis dit « ça va peut-être faire un truc bizarre mais ce truc bizarre c’est moi. »

Cette technique musicale ne s’apprend pas toute seule, comment as-tu appris à utiliser des logiciels ?

J’ai eu des expériences avec des beatmakers. Aujourd’hui je n’ai pas encore une grande technique, j’ai besoin d’être aidée par Valentin Marceau, mon réal, pour emmener les sons jusqu’au bout.

Sur « Suzane », tu évoques le fait que ta mère ne t’a pas vraiment soutenu lors de ta montée à Paris. Est-ce que ta famille t’a malgré tout soutenue dans cette expérience ?

On ne peut pas appeler ça du soutien, on peut juste dire que ma mère était très inquiète. Elle avait peur pour moi, peur que je sois déçue car elle sait que je suis une grande rêveuse et parfois les rêves ne se réalisent pas.

As-tu une certaine appréhension concernant ta notoriété naissante ? N’as-tu pas peur de cette surmédiatisation que l’on voit beaucoup dans le milieu musical actuel ?

Je ne m’en rends pas compte, je suis dans un état où il se passe tellement de choses ! Je vis l’instant présent, c’est ce qui résume ce métier. En ce qui concerne la notoriété pour l’instant c’est plutôt rigolo, des gens m’arrêtent à la poissonnerie pour me dire « je t’ai reconnue ». Je n’ai pas le mauvais côté, c’est seulement de la bienveillance.

Dans tes clips, tu portes régulièrement une combi bleue et noire, d’où vient-elle ? Comprends-tu la comparaison que l’on peut faire avec Jain qui porte une tenue similaire sur son Souldier Tour ?

Au moment où Jain est apparue avec sa combi, j’avais déjà sorti mes clips, un pur hasard donc. Cette tenue est venue quand je me suis demandée comment je voulais me présenter au public, comme pour un premier rencard. Je me suis dit que c’était la tenue idéale pour danser. Mes influences sont très larges sur cette combi, il y a un peu d’Elvis Presley que j’apprécie sincèrement, de Bruce Lee dont mon père était fan quand j’étais petite et de Louis XIV au niveau du code couleur. Cette combi a été faite sur-mesure par mon styliste Romain Antonini qui a réussi à me dessiner cette tenue. Elle évoluera au fil du temps.

Suzane
© Pierre Florent

En ce moment, de nombreuses artistes dont tu fais partie s’expriment à propos de la libération de la femme …

Je trouve ça bien que des artistes féminines prennent la parole. Là où je ne suis pas d’accord c’est que le harcèlement n’est pas si actuel que ça. Mais c’est vrai que l’on en parle davantage aujourd’hui. C’est là où ça m’intéresse, je pense que le mouvement #MeToo y a fait beaucoup. J’ai écrit « SLT » alors que j’étais encore serveuse. C’était à l’époque du mouvement et j’entendais des débats à table auxquels je ne pouvais pas prendre parti. Mon seul pouvoir était l’écriture.

Quelles sont tes influences dans la musique actuelle ?

Orelsan est dans ma playlist depuis très longtemps. Je le cite souvent comme l’une de mes influences car je suis fan de son écriture. Et puis en ce moment il y a plein de choses intéressantes, j’ai pris une claque en partant en Chine en tournée avec Témé Tan. Je l’aime beaucoup, je pense d’ailleurs l’inviter sur mon album. La scène actuelle est très riche et la création musicale est plus accessible.

Suzane en concert à Poupet, aux Vieilles Charrues et au City Truck Festival

Propos recueillis par Lucille Souron et Alban Chainon-Crossouard