Tim Dup, un optimiste mélancolique

A seulement 23 ans, Tim Dup semble gérer sa carrière sereinement. Le jeune francilien nous confie vouloir devenir populaire. Le mélange de générations que forme son public nous prouve qu’il en a la capacité. Il essaie d’apprendre des plus grands artistes français tels qu’Alain Souchon qu’il respecte sincèrement.
La jeune fille évoquée dans son titre « Moïra Gynt » est originaire de Nantes, sûrement un signe positif. Il a en tout cas hâte de revenir jouer dans la Cité des Ducs et pas seulement pour profiter du hammam du Lieu Unique qu’il a tant apprécié lors de son dernier passage.

 

Comment est né le personnage Tim Dup ?

Paradoxalement, ce n’est pas un personnage. C’est un projet authentique et sincère, je ne joue pas quelqu’un. Les chansons permettent bien-sûr de forcer les traits mais elles reflètent qui je suis. Tim Dup est juste la contraction de mon prénom et nom, c’est plus accessible comme cela. Et puis c’est plutôt moderne finalement, on se demande ce que ça peut être.

Ton premier album Mélancolie Heureuse est un vrai succès. Certaines critiques te comparent même à de grands noms de la chanson française. Comment le vis-tu ?

J’ai sorti un premier EP un an avant la sortie de mon album. Ça m’a permis de me familiariser avec le milieu, les critiques et le public. Et côté scène, j’ai fait de nombreuses premières parties pendant 2 ans. L’EP était peut-être plus à même de séduire les médias finalement.
L’album était pour moi une passerelle vers mon public. Tout ce qui se passe autour de cette sortie, je le prends avec du recul. Dans l’industrie musicale, une nouvelle pépite française est trouvée tous les deux mois, c’est l’impression que j’ai donc ça ne me touche pas plus que ça. Mais heureusement pour moi, ce sont des chroniques positives et cela me fait plaisir. De voir des noms comme Brel ou Ferré, ça me fait sourire. On verra dans 40 ans où j’en suis, si ma carrière se rapproche un tantinet de gens comme ça. (rires)

Tu as fait une reprise d’un morceau d’Alain Souchon qui est beaucoup écoutée. Est-il un modèle pour toi ?

Oui vraiment. De nombreux artistes m’inspirent mais peu sont réellement des modèles. Alain Souchon fait partie de ces derniers ! C’est un artiste populaire mais il a réussi à conserver son authenticité, sa part d’enfance et son élégance tout au long de sa carrière. Il n’a pas fait de la musique pour plaire au plus grand nombre, je ne pense pas et c’est ce que j’aime chez lui. Sa musique le touche de prime abord, il la conçoit avec tant de simplicité.

Plus jeune, qu’écoutais-tu comme musique ?

J’ai des influences très multiples, ça marche par phase. Petit, j’écoutais beaucoup de pop-folk anglo-saxonne avec mon père comme les Beatles, Supertramp ou Bob Dylan mais aussi du rock avec The Cure ou Chuck Berry. Après, je me suis mis à écouter de la chanson française mais un peu plus récente comme Vincent Delerm ou Thomas Fersen. Et plus récemment, j’ai redécouvert Gainsbourg, Moustaki, Brassens ou encore Barbara.
Je n’oublie pas la phase électro avec les Daft Punk notamment, un peu de reggae et de la musique jazz/classique aussi. Aujourd’hui, je commence à me pencher sur le hip hop.
Je suis très ouvert, j’écoute vraiment de tout dorénavant. Tous ces styles ont fait ce que je suis devenu. La musique doit transmettre des émotions, quelle qu’elle soit, de Kanye West à Chopin.

Parle nous de ton écriture.

Ce pourquoi j’ai ce besoin d’écrire m’amène à évoquer des choses plutôt brutes et authentiques. Je n’écris pas pour rêver. Si je veux rêver, j’écoute de la musique, je voyage ou je regarde des films. L’écriture me permet de raconter ce qui m’entoure, ce que je vis. C’est ce qui me plaît et il y a plusieurs manières de le faire. Cela peut être à travers des textes fleuves, des vers, des refrains plus récurrents … Après, on est vite confronté aux normes radio avec des structures très codifiées. J’essaie malgré tout de ne pas y faire attention, je suis dans l’instinct. Si besoin je retravaille les morceaux ensuite pour pouvoir être diffusé.

Ta génération a-t-elle balayé les clichés qui entourent la chanson française ? On pense notamment à Eddy de Pretto, Alice et Moi ou Foé.

Oui, en effet. Aujourd’hui, la culture hip hop prend le dessus sur la variété française dans l’industrie musicale. C’est la culture de la fusion. Les artistes d’aujourd’hui se fichent des codes, des genres, ils font la musique qu’ils aiment. Cela donne des projets hybrides comme ceux de Eddy de Pretto, Lomepal ou encore Juliette Armanet. Les genres musicaux se télescopent et c’est finalement un peu tendancieux, ça en devient un genre à part entière. Les médias parlent de « nouvelle scène française ». C’est très lié à la France, il faut tout étiqueter. (rires) Quoi qu’on fasse, on est identifié.
Faire quelque chose d’hybride est à la fois simple et compliqué. Se moquer des codes apporte des contraintes professionnelles, les radios ne savent pas vraiment comment se positionner par rapport à ça. Je n’ai pas réellement de tube sur mon album, c’est difficile de me diffuser sur une radio grand public.


« Ils ont beau tirer sur des gens ou faire des atrocités, le vivre-ensemble ne s’effondre pas. Ça n’empêchera pas les gens de sortir, de profiter, de s’aimer, de se rencontrer et de se métisser. »


Revenons sur ton morceau « Nous sommes ». Quel message souhaitais-tu faire passer à travers celui-ci ?

C’est un morceau qui m’est venu à force de faire des concerts. J’ai pensé aux attentats qui ont eu lieu à Paris, à Nice ou même ailleurs dans le monde. Je conçois la musique comme un partage, elle rassemble les gens. Les concerts, c’est quelque chose de très fort, une communion entre toutes les personnes présentes. Il y a une sorte de bienveillance dans ces moments-là.
Ils ont beau tirer sur des gens ou faire des atrocités, le vivre-ensemble ne s’effondre pas. Ça n’empêchera pas les gens de sortir, de profiter, de s’aimer, de se rencontrer et de se métisser. Malgré le scepticisme, c’est un message d’espoir. L’Homme est bon, il est au-dessus de tout ça.

MHD, Felix Jaehn, King Krule, Lil Uzi Vert. Parmi ces artistes également nés en 1994, avec qui pourrais-tu collaborer ?

MHD, ça me ferait marrer mais ne suis pas sûr qu’il serait tenté. Je trouve sa musique formidable, certains de ces titres sont connus mondialement. Il est l’un des seuls français à avoir fait Coachella cette année, ce n’est pas rien !
J’adore ce que fait King Krule, c’est puissant. C’est très incarné comme projet, il y a un vrai propos, un vrai son et une vraie gueule. C’est un artiste complet.

Tim Dup
Mélancolie Heureuse sorti le 27 octobre 2017 chez Sony Music Entertainment France
Jeudi 29 novembre à la salle Paul Fort
labouchedair.com

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard