Fakear nous présente son premier opus
Voilà quelques temps que l’on entend parler de Fakear, le caennais nous propose chaque année des EP d’une rare qualité. Très rapidement considéré comme l’un des espoirs de la scène électronique française, l’artiste n’a pas tardé à confirmer ce statut. C’est avec enthousiasme que l’on a donc découvert son premier album le mois dernier. Avant sa sortie, il venait le présenter à Stereolux, on en a profité pour lui poser quelques questions en coulisses.
« Fakear », pour quelle raison ?
A la base, ça n’avait rien à voir avec le voyage ou l’Orient. Plus jeune, je faisais du rock dans un groupe. Quand j’ai décidé de me diriger vers l’électro, mes potes m’ont tout de suite chambré en me disant que j’allais faire de la « fausse musique ». D’où le nom Fakear qui vient de l’anglais « Fake ear* ». C’était une vanne en fait. Et ensuite, le côté oriental et japonisant est venu dans mes musiques, ça correspondait vraiment !
*fausse oreille
Dans ta jeunesse, tu as beaucoup voyagé. Tout cela t’a t-il inspiré musicalement ?
J’ai beaucoup bougé en sac à dos à travers l’Europe notamment. Ce n’est pas vraiment les voyages qui m’ont marqué mais plus la sensation de revenir à l’état brut, de n’avoir plus rien. Les seules questions que je me posais étaient : « Où vais-je manger ? Où vais-je dormir ? ». Ce retour aux sources m’a beaucoup inspiré pour ma musique. C’est le message que je voulais faire passer : « revenez à des instincts primaires ! ».
Est-ce qu’il y a des pays qui t’attirent particulièrement ?
Ça change beaucoup en fonction des années mais actuellement, j’aimerais bien aller en Amérique du Sud. Avant, j’étais vraiment fasciné par le Japon, j’y suis allé et j’ai adoré. Pourquoi ne pas y retourner d’ailleurs !
Après j’aime bien rester dans l’imaginaire, ça me nourrit. Parfois, je pars vraiment loin dans mon imagination. Par exemple, je suis fan de Star Wars, il m’arrive de penser aux paysages du film.
Tout cela me permet de faire la musique qui me correspond.
Tu as sorti plusieurs EP entre 2013 et 2017. Comment les as-tu conçu, les musiques te guidaient-elles vers un thème ? Ton premier album All Glows sera t-il vraiment différent ?
Lors de mes débuts, c’est effectivement les musiques qui me guidaient vers un thème. Jusqu’à Animal en fait. Cet EP était largement inspiré de ma vie personnelle, de la rencontre avec ma copine. Tout s’est produit rapidement.
Ensuite j’ai pris les choses en main, je voulais travailler différemment. Je ne me laisse plus porter de la même manière. Alors oui, ma copine, qui est devenue ma muse, a toujours une part importante dans mes compositions. Mais sur All Glows, il y a bien plus que ça. Je ne fais plus une dizaine de morceaux d’une traite, en quelques semaines. Cet album m’a demandé du temps et beaucoup de travail, je l’ai construit en un an. Je faisais des morceaux puis je revenais dessus un peu plus tard. C’est une vaste compilation, il n’y a pas de thème particulier, c’est la vraie différence avec ce que j’ai proposé par le passé.
Cet album est beaucoup plus assumé. J’ai beaucoup tourné l’année dernière, j’ai suivi Odesza et Bonobo en tournée. J’ai vu plein de choses, plein de gens, plein d’endroits différents. Ce qui compte, c’est vraiment d’avoir ta patte. Je me suis libéré, j’ai cessé de me mettre des barrières. Tant que tu restes honnête dans ta musique, les gens te suivront finalement. J’ai été voir quelque chose d’autre, je suis sorti de ma zone de confort. Il y a des tracks très pop, d’autres plus progressive, des sons deep … Il y a tout ce que je faisais avant mais en plus poussé.
Parles nous de tes pochettes, toujours entre la faune et la flore.
Je n’ai pas travaillé avec les mêmes artistes. Morning in Japan, c’est un pote de Caen qui me l’a faite. Darklands et Sauvage, c’est moi-même. Pour Animal, ce sont les personnes qui ont fait le clip de « Silver ». Et pour All Glows, on a fait appel à Leif Podhajsky qui a fait des pochettes pour Tame Impala, Bonobo ou encore Foals. Au final, quand ils écoutent ma musique, ils se dirigent tous vers quelque chose d’un peu similaire. Ça reste très faune / flore. Pour le dernier, ce n’est pas quelque chose que l’on retrouve dans la nature, c’est bizarre, ça induit une part d’imaginaire. J’en suis très content.
Si tu devais te comparer à un animal, lequel serait-ce ?
Je l’ai tatoué sur mon bras, c’est un loup. C’est mon animal totem. Il me sert un peu de guide spirituel, je m’en sers dans la vie pour me rappeler que je suis quelqu’un d’indépendant, de solide, que j’avance seul etc.
Pour revenir sur ces dernières années. Qu’est-ce que le label Nowadays Records, réputé dans le milieu de l’électro, t’a apporté ?
C’est une superbe histoire d’amitié. Je les ai rencontré il y a très longtemps, je faisais la première partie de Wax Tailor à Paris lors de notre première entrevue. On n’a jamais vraiment signé quelque chose, ça se faisait à la bonne franquette. Je passais par eux pour mes EP, la question ne se posait pas. Ce sont des gens géniaux qui ont plein d’idées et un réseau très important. Ils mettent l’humain en avant et ont le désir de faire du bon son et d’avoir une bonne team. Ça change des autres labels ou des majors. C’est une mentalité que je garde, même si je ne bosse plus avec eux. J’ai toujours plaisir à défendre leur identité, leur image, à venir à leurs soirées.
Avec quels artistes de ce label as-tu le plus travaillé ?
J’ai bossé avec Clément Bazin sur All Glows. Sinon La Fine Équipe aussi, j’ai d’ailleurs mixé Animal dans le studio de l’un de leur membre. Douchka n’a jamais été très loin non plus. C’est vraiment une grande famille.
Quel jeune artiste actuel t’impressionne le plus ?
Je t’avoue que je ne suis pas trop les nouveautés électro.
Après, c’est marrant de voir ce qui arrive à Petit Biscuit en ce moment. Je le vois parfois marcher dans certains de mes pas et parfois aller dans une direction totalement différente. Quand tu n’as que 26 ans et que tu vois un mec comme lui qui s’inspire de tes sons, c’est un cadeau !
Malgré ses diverses influences, il a sa propre identité et c’est vraiment cool.
Tu as fait un morceau avec Jain dernièrement. Avec qui d’autre aimerais-tu collaborer ?
Je ne fantasme pas sur tel ou tel artiste. C’est vraiment les rencontres qui me donnent envie ou non. Ça se fait au feeling. Jain, c’était déjà prévu depuis un moment, je lui ai envoyé des prods et elle a bossé dessus. Tout s’est fait naturellement.
Tu as de nombreuses dates de programmées dans les prochains mois. Comment as-tu préparé ton nouveau live ?
On a bossé à Bordeaux pendant une dizaine de jours pour retravailler la scénographie. Je reprends ma guitare sur scène, c’est un peu mon instrument d’origine. Sinon, je suis accompagné sur scène, il y a une énergie de concert. Je prends entièrement part au live. On l’améliore au fil des dates, c’est un test grandeur nature.