Il y a quelques jours Alice était à La Cigale et dans peu de temps, elle sortira son premier album. Depuis ses débuts avec son EP Filme-moi plutôt resté confidentiel à sa sortie, la jeune chanteuse a su séduire un public toujours plus nombreux.
Lors de notre première entrevue en juillet 2018, la pop française commençait déjà à lui tendre ses bras. La voici désormais invitée dans de belles soirées avec d’autres artistes prometteurs. On a profité de sa venue aux Effronté.e.s à Stereolux où elle était à l’affiche aux côtés de Muddy Monk, Yseult ou encore des Nantais Videoclub pour la questionner sur son avenir mais aussi sur l’évolution de ses compositions. Celle qui n’a cessé de bosser ardemment depuis qu’elle a monté son entreprise autour de cette nouvelle carrière musicale a dû mal à rester calme quand on évoque le sexisme et la condescendance existante dans ce secteur.
Ces mois à plancher seule sur le projet de sa vie ont renforcé son caractère et ça se ressent à la fois sur scène et dans ses morceaux. Alice et Moi a désormais tout pour réussir, à elle de nous convaincre avec ce premier long format à venir.
A l’été 2018, tu avais peur d’être stigmatisée comme « chanteuse sensuelle » avec certains morceaux de ton premier EP Filme Moi. Est-ce désormais derrière toi ou le ressens-tu encore aujourd’hui ?
En soi la sensualité ne m’a jamais dérangé mais je ne voulais pas rentrer dans cette case et seulement dans celle-ci. Être vue uniquement comme une grande rêveuse. Je pense qu’avec mes nouveaux morceaux, ça évolue dans le bon sens. En fait, c’est moi qui ai changé, j’étais tellement plus timide il y a deux ans. Avant je me considérais comme sensuelle mais je ne voyais que le côté négatif, j’ai réussi à changer ça. Ce n’est plus seulement une faiblesse, c’est aussi une force. En grandissant, nous ne sommes plus forcément les mêmes, je ne suis plus la petite Alice qui ne fait que s’excuser, même si ça m’arrive encore. (rires) J’aime être sensuelle et rêveuse tout en devenant et en étant une femme forte.
« L’ennui est à la fois une source d’inspiration et un moment de malaise »
© Randolph Lungela
Dans ton deuxième EP Frénésie, ressens-tu la maturité de tes propos ?
J’ai senti une libération dans les textes, j’ai eu l’impression de dire ce que je voulais sans me poser de question. Je ne me suis jamais mis de filtre. Dans mon album qui sortira prochainement, ce sera encore plus le cas je trouve. On m’a toujours dit de ne pas me disperser mais je fais l’inverse, j’ai envie de tester un maximum de choses. Que ce soit provoc’, premier degré, second degré, intense … J’ai envie de tout mettre sans me fixer de limite, de tout exprimer.
As-tu souhaité sortir des thématiques liées à l’amour et aux sentiments dans ton premier opus ?
L’amour, je ne m’en lasse pas d’en parler, il y a toujours des trucs à dire. Je continue mes trucs de loveuse ! (rires) Mais effectivement j’ai fait quelques écarts notamment avec une chanson très personnelle. Je ne voulais pas la mettre dans la tracklist initialement, je la trouvais vraiment trop intime. Et ensuite je me suis dit que si j’avais peur c’est qu’il fallait y aller, pour me bousculer. Je parle aussi de mes angoisses sans être dans le bad, j’essaie toujours de ressortir les aspects positifs. J’évoque mon enfance, l’ennui qui est à la fois une source d’inspiration et un moment de malaise, l’obsession, le féminisme …
Tout va de plus en plus vite dans la musique. Il y a peu, tu bossais encore en solo, tu n’avais pas d’équipe ni de tourneur. Dans quelques semaines, ton premier album sortira. Comment vis-tu cette accélération, est-ce que cela t’inquiète ?
Si je prends la préparation de l’album et les deadline qui vont avec c’est à la fois un plaisir et une terrible angoisse. (rires) Aujourd’hui, les gens se permettent de te faire des remarques comme « tu ne fais plus rien » si tu ne sors aucun morceau en 5 mois. Alors que tu fais des concerts et que tu passes ton temps en studio à bosser. Cette pression est assez négative. Je suis une bosseuse, je ne resterais pas à rien faire mais j’aime bien peaufiner mon travail. Une fois que c’est sorti, tu ne peux plus revenir dessus. C’est normal de prendre son temps.
© Randolph Lungela
Pour revenir sur le morceau « J’veux sortir avec un rappeur ». As-tu déjà imaginé une collaboration avec un rappeur francophone afin d’aller plus loin dans le second degré ?
On y a pensé pour mon album effectivement qui est presque finalisé. J’aimerais bien travailler avec quelqu’un d’inattendu en fait. Histoire de faire sauter les codes habituels. Qu’on se dise « WTF, elle a fait un morceau avec … ». Par contre, il faut que le morceau soit réussi pour que ça marche. (rires) Ce serait une façon de surprendre et de sortir des cases où on essaie toujours de nous mettre. Si ce n’est pas sur celui-là, ce sera sur un prochain projet ! D’ailleurs, j’aimerais bien faire un morceau avec le rappeur préféré de ceux qui m’ont insulté sur les réseaux après la sortie de ce morceau. Comme quoi j’étais une « michto » pour le dire poliment. J’étais dans la provoc’ avec ce titre mais je ne m’attendais pas à autant de violence. C’est seulement du second degré. Quand on poste des pavés sur Youtube pour te dire que tu es une honte pour l’humanité, que tu ferais mieux de te faire violer dans une cave, tu ne sais plus quoi penser ! (rires) C’est pour tous les artistes pareil, ça ne m’atteint pas plus que ça, ça me désole juste sur l’humanité.
Comme Claire Laffut, Bleu Toucan ou encore Vendredi sur Mer avec qui on en a parlé récemment, tu es beaucoup écoutée à l’étranger. Reçois-tu régulièrement des messages de ceux qui te suivent à des milliers de kilomètres ?
Oui, régulièrement ! Je trouve que les fans étrangers osent plus, ils n’hésitent pas à m’envoyer des messages. Je pense aux Brésiliens ou aux Turcs qui me contactent souvent, ils sont adorables. Honnêtement, je n’imaginais pas qu’en chantant en Français, aujourd’hui, on pourrait toucher autant de personnes. Après je pense que c’est une évolution globale de la société et que ce constat se retrouve aussi pour d’autres langues, qui ne connait pas Rosalía aujourd’hui par exemple ?
Tu as beaucoup travaillé tes live depuis tes débuts. Penses-tu avoir atteint un certain niveau d’assurance désormais ?
Au début, j’ai pris beaucoup de remarques comme « tu n’as pas de voix, tu n’y arriveras pas sur scène ». J’étais terriblement angoissée lors de mes premières fois. Je prenais du plaisir mais c’était compliqué pour moi, j’ai toujours dû prouver. Aujourd’hui, il m’arrive parfois de mettre trop de rage dans certains concerts, tout le contraire de ce que je faisais avant. Ce n’est pas forcément mieux, il faut trouver l’équilibre. Je me dis « Alice, calme-toi ! ». (rires) Il faut garder cette énergie mais c’est important de bien s’en servir, ça s’apprend. C’est très intéressant. L’autre jour, un journaliste m’a dit qu’il ne m’avait pas reconnu sur scène, ça fait plaisir de voir que tes efforts paient !