Voilà plus de 10 ans que le Théâtre Beaulieu fait rire les Nantais mais aussi les habitants de Loire Atlantique (voire d’ailleurs) avec des pièces de renom comme Potiche tout récemment. Le théâtre de boulevard est loin d’être dépassé comme le prouve chaque année la Compagnie Même Pas Cap qui officie sur les planches du 9, boulevard Vincent Gâche. Cette adresse utilisée depuis 2009 devrait d’ailleurs connaître une autre utilité d’ici 2021. En effet, l’an prochain, la Compagnie déménagera à proximité de la ligne de Busway, à quelques centaines de mètres de son fief initial. Un projet ambitieux qu’Olivier Collin, directeur du théâtre, prépare depuis près de cinq années. Ou comment poursuivre la création d’un modèle culturel indépendant et autonome.

Arrivé à Nantes en 1991, Olivier Collin est devenu, au fil des années, l’un des acteurs principaux de la culture et du théâtre dans la Cité des Ducs. Parti de rien, il a su développer sa compagnie créée au tout début du XXIème siècle et ainsi nourrir son ambition aux côtés de comédiens exemplaires.

Son théâtre a su séduire, principalement grâce au bouche à oreille, de plus en plus de spectateurs chaque année. Ces dernières saisons, ils étaient près de 30.000 à passer les portes du théâtre chaque année. Accompagner les Nantais au quotidien, chercher à les divertir, tel est le but de la Compagnie depuis sa création. Olivier Collin tient à préciser qu’il ne faut pas être forcément « exceptionnels ou extraordinaires ». Savoir se dépasser dans ce que l’on fait au quotidien est finalement le plus important et le plus remarquable.

Theatre Beaulieu Les Tenors
© 021 PROD – Les Tenors

Les comédiens ne travaillent pas exclusivement pour la Compagnie Même Pas Cap, c’est aussi ce qui fait la force de cette petite entreprise. Le casting est renouvelé et adapté pour chaque pièce. « L’équipe doit matcher ». Voilà l’essentiel pour Olivier Collin. Le théâtre de boulevard est avant tout un travail collectif.

« Aucun comédien n’est indispensable ou irremplaçable. C’est en gardant cette vérité en tête que l’on progresse. »

Pour Olivier et son équipe, il a fallu trouver un équilibre financier qui ne dépend aucunement des aides publiques. C’est en ce sens qu’il s’est lancé dans la Creative Factory deux années de suite. Après un petit échec lors de la première saison, il a souhaité travailler davantage son projet. C’est ce qui lui a permis de faire partie des 6 lauréats de 2017 pour sa seconde tentative. L’accompagnement a été essentiel pour le directeur du théâtre qui a définitivement pris confiance en lui et a ainsi pu concrétiser son rêve : lancer la création de son propre théâtre.

Theatre Beaulieu Les Tenors
© 021 PROD – Les Tenors

Quelques temps après la Creative Factory, il a su saisir une opportunité, pour entériner son projet d’ouverture, à quelques encablures du 9, boulevard Vincent Gâche. Le prochain théâtre, qui devrait ouvrir dans un an et demi, se situera à proximité du pont Georges Clemenceau. Des nouveautés ou des évolutions verront le jour avec ce lieu. Comme, par exemple, le développement des ateliers théâtre et du groupe vocal, des créations jeunes publics d’envergure novatrices sur Nantes, un doublement des représentations le samedi et des ouvertures en semaine.

« Il ne faut pas trop se prendre au sérieux, je sais d’où je viens, je ne me laisse pas griser par les avis ou les chiffres. J’aime ce métier et je continuerai tant que cela me motivera. Je serais capable de laisser les clés de mon théâtre le jour où je sentirai qu’il faut passer à autre chose. »

Ce lieu convivial et adapté au théâtre professionnel permettra de développer davantage de grandes productions comme Thé à la menthe ou t’es citron ou Panique en coulisses qui ont demandé davantage de moyens financiers et matériels. Là serait donc l’objectif principal. Développer des pièces importantes, comme ils ont apprécié le tester à Vincent Gâche. Il serait effectivement dommage de ne pas profiter de la taille d’une telle scène.

Olivier nous raconte l’histoire de la Compagnie Même Pas Cap et du Théâtre Beaulieu

« J’ai monté cette compagnie en 2001. Je voulais être comédien mais je ne savais pas comment m’y prendre car je viens du milieu de la radio. Lors de mes premières années nantaises, je travaillais à Radio Nantes qui est devenu Hit West. Je faisais les matinales.

Pendant ce temps mais surtout après, j’ai fait beaucoup de publicités pour la radio et la télévision, ce qui m’a d’ailleurs contraint à monter sur Paris régulièrement. En parallèle, je faisais du théâtre en amateur à la Tribouille rue de Gigant. J’ai voulu aller un peu plus loin et c’est comme ça que j’ai monté ma première pièce Le Dîner de Cons qui a vraiment bien marché. C’est grâce à cela que j’ai créé mon association qui s’est professionnalisée avec le temps et est devenue une compagnie. C’est ce qui m’a permis de rencontrer des comédiens à qui je parlais du projet.
Dès le début, j’avais en tête une compagnie de théâtre professionnelle. Il me semblait important de payer ceux qui m’accompagnaient. C’est un peu le nerf de la guerre, devoir trouver de l’argent. Cela s’est compliqué avec les locations de salles régulières car il est difficile de fidéliser un public en changeant de lieu régulièrement. Idem pour communiquer.

En 2009, j’ai eu l’opportunité de louer la salle du Sémaphore où nous sommes actuellement. Ma proposition a été acceptée assez rapidement. Ça m’a permis de monter des pièces qui n’ont pas forcément toutes marchées, mais je voyais tout de même une évolution positive par le ressenti des spectateurs et par la fréquentation. Il fallait être patient. A partir de 2010-2011, on a choisi de faire deux pièces par an mais, malheureusement, on n’atteignait pas assez de monde. 7000 spectateurs passaient nos portent à l’année, cela ne suffisait pas pour que la Compagnie perdure dans le temps. Au début, les finances te rattrapent sans cesse. Personnellement, je continuais à travailler dans la publicité pour assurer mes arrières. Ce n’était pas notre théâtre mais j’ai quand même eu l’autorisation de déposer la marque afin de faire connaître le lieu comme si c’était le nôtre. Grâce à cela le bouche à oreille a pu prendre et nous avons commencé à vraiment développer le Théâtre Beaulieu. Aujourd’hui notre activité est assez stable pour voir plus loin. »
Le chiffre
+ 10 000
spectateurs
C’est la différence de fréquentation
entre le premier passage de Toc Toc (Laurent Baffie)
joué en 2009 et le second programmé en 2013

Théâtre Beaulieu
9, boulevard Vincent Gâche
theatrebeaulieu.fr

Alban Chainon-Crossouard