Voyou, un artiste total
Lille, Nantes et maintenant Paris, Voyou a fait du chemin dans l’hexagone. Cependant, il n’oubliera jamais la ville de son enfance à qui il a d’ailleurs dédié une chanson dans son premier album. Sa seconde Cité, la nôtre, restera elle aussi dans son cœur. Elle a eu un impact considérable sur sa vie et donc sur sa carrière musicale. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de se joindre à la fête de la release party, on vous laisse profiter de Les Bruits de la Ville chroniqué dans notre numéro de février. Déjà interviewé fin 2017, le voyou des villes ne cesse de prendre de l’assurance et cela se ressent dans sa musique. La voie est ouverte.
Depuis la sortie de ton EP en janvier 2018, tu as vécu une considérable accélération professionnelle. Comment as-tu vécu cette période ?
C’était si intense que je n’ai pas vraiment eu le temps de me rendre compte de ce qui était arrivé. J’ai beaucoup bossé ! Le boulot m’a permis de ne pas trop me poser de questions et de rester concentré sur ce que j’étais en train de faire. J’étais plutôt serein, j’avais des gens de confiance autour de moi. Ils m’ont bien accompagné tout au long de ce projet. J’ai eu l’impression de ne faire que de la musique et des live. Je ne m’occupais jamais de tout ce qui se passait à côté. Quand je vois où ça m’a amené avec la sortie de l’album, je me dis que j’ai vraiment de la chance de travailler avec ces gens-là.
Qui pourrais-tu citer parmi cet entourage proche qui te suit au quotidien ?
Mon manager est là depuis le début du projet comme beaucoup de mes partenaires d’ailleurs. Mon label, mes tourneurs, Sony Music, mes attachés de presse etc. On est finalement nombreux a bossé sur ce projet. C’est des gens que j’ai choisi, je me sens bien à leurs côtés, c’est une petite famille en soi.
« Je pense avoir besoin de ce quotidien très mouvementé et dynamique, très urbain, avec beaucoup de monde et de bruit. »
Et musicalement, as-tu travaillé avec tes anciens compères nantais ?
Pas du tout sur Les Bruits de la Ville. J’avais besoin de changer un peu d’air, j’ai passé 10 ans sur la scène nantaise à jouer dans 3 groupes qui ont plutôt bien marché. J’ai quitté Nantes pour le Canada quand j’ai lancé mon premier morceau solo : « Les Soirées ». On arrêtait Rhum for Pauline, j’avais besoin de partir. Je suis resté 3 mois outre Atlantique. J’avais besoin de m’écarter des musiciens que je côtoyais régulièrement, ce n’est pas pour autant que je ne leur parle plus. Ce sont toujours mes amis, j’évoque ici l’aspect musical. En fait, j’avais envie de faire les choses comme je les entendais et plus comme on attendait que je les fasse.
En restant à Nantes, je ne suis pas sûr que j’aurais réussi à produire ce que je souhaitais réellement, à titre personnel. Ce n’est pas facile de se détacher du passé, j’appréhendais la présentation de ma musique aux nantais. C’est ma famille de cœur, c’est la ville qui m’a accueilli musicalement, qui m’a professionnalisé. C’était très important pour ma carrière, pour ma vie personnelle et pour ce qu’est devenu Voyou après. Pour pouvoir réussir ce projet, j’avais besoin de me détacher de tout ça. Maintenant, je suis fier de pouvoir leur présenter ce travail-là, ma musique.
Le résultat est-il à la hauteur de tes espérances ?
J’ai vraiment fait l’album que je voulais faire. Je sais que j’ai d’autres envies, d’autres idées pour des morceaux mais cela sera pour la suite. Après, c’est un disque qui a des erreurs, j’en ai conscience. Ce n’est pas grave, je les accepte assez facilement. Je vois chaque morceau comme si c’était mon enfant et tu acceptes ton enfant même s’il a un doigt de travers. C’est un peu pareil ici.
« Ce n’est pas facile de se détacher du passé, j’appréhendais la présentation de ma musique aux Nantais. C’est ma famille de cœur, c’est la ville qui m’a accueilli musicalement. »
Tu as évoqué des thèmes plutôt novateurs pour la chanson française. On pense notamment à « Les Trois Loubards » ou « On a marché sur la lune ». Est-ce le quotidien qui t’inspire ?
Ça dépend des morceaux, ils ont tous leur histoire. Je ne me force jamais à écrire quoi que ce soit. Si jamais j’ai une idée de morceau qui me vient, je l’écris très vite.
J’engrange beaucoup d’informations de l’extérieur, de mes rencontres, de mes amis et des sujets dont j’entends parler. Quand je sens qu’un truc est présent chez plein de personnes, ça me donne vraiment envie d’en faire une chanson.
« Les trois loubards » est le morceau le plus personnel car je parle à la première personne. Après cela ne veut pas dire que cette histoire m’est arrivée, personne ne sait si je parle de moi ou si c’est inventé.
Si l’on prend des titres comme « La Serre », « Papillon » ou même ta pochette, on sent une grosse influence de la nature dans ce premier opus. Était-ce un thème important que tu souhaitais mettre en avant depuis le départ ?
C’est quelque chose qui correspond bien à ma musique. J’illustre mes morceaux par des dessins comme je l’ai fait avec « Papillon ». J’ai ce besoin d’extérioriser différemment les décors dans lesquels se déroulent mes histoires. Sur ces pochettes de single, la nature a une place importante. Dans le disque, la plupart des morceaux évoquent quelque chose qui se passe à l’extérieur que ce soit dans la ville ou dans des espaces plus naturels. Ces derniers prennent le dessus dans mes dessins, c’est ce que j’ai remarqué.
Je n’ai pas dessiné la pochette de l’album, c’est un travail de Orane Sigal.
© Camille Dronne
Il y a un certain contraste sur cet opus. Tu clames également ton amour pour la ville sur « Les Bruits de la Ville » ou « Lille ». Pourrais-tu délaisser le monde urbain pour la nature ?
J’ai toujours vécu en ville. Il y a eu Lille puis Nantes pendant 15 ans, un bref passage à Montréal et maintenant Paris. Je suis totalement attaché à la ville, mon comportement est celui d’un citadin. J’ai tout de même eu la chance d’avoir des parents profs et donc d’avoir de grandes vacances. On partait souvent dans des endroits plus sauvages comme en Corse ou dans le Pays Basque ou dans des coins un peu plus perdus en Charente-Maritime. Je différencie vraiment les endroits dans lesquels je me sens bien pour vivre et ceux pour sortir de mon quotidien. Je pense avoir besoin de ce quotidien très mouvementé et dynamique, très urbain, avec beaucoup de monde et de bruit. Cependant, pour le raconter, il faut que je m’en éloigne et que je profite de la nature. Cela me permet de relativiser et d’être objectif sur ce que je vis au quotidien.
Pour revenir sur « Lille », morceau de clôture de ton album, pourquoi avoir choisi d’en parler sur Les Bruits de la Ville ? En sachant que tu quittais Nantes à la même période finalement.
Le fait de partir de Nantes a fait ressurgir beaucoup de souvenirs passés. Je quittais une ville mais aussi une fille à ce moment-là, c’était un vrai changement pour moi, un mélange de nombreuses impressions. J’avais besoin d’écrire ce morceau, c’est une sorte de thérapie. L’écriture me permet d’avancer et d’en apprendre plus sur moi-même. L’écrire m’a permis de passer à autre chose. Je ne veux penser qu’aux choses positives de ces villes dans lesquelles j’ai vécu.
Yelle, présente sur ton album et que nous avons interviewée récemment, pense que tu serais le meilleur interprète pour masculiniser son morceau « Garçons ». C’est le genre de projet qui pourrait te tenter ?
Je ne sais pas mais je pense réellement qu’on refera quelque chose avec Yelle. On s’est très bien entendus autant artistiquement qu’humainement. C’est quelqu’un avec qui j’ai envie de travailler, j’adore son boulot. Il y a une vraie entente qui s’est créée et sa musique est inspirante.
Tout récemment, Cléa Vincent a sorti Nuits sans sommeil où tu apparais sur le titre « Maldonne ». Qu’évoque pour toi cette collaboration ? Et penses-tu qu’une sorte de nouvelle famille pop / chanson française est en train de se créer ?
On se croise tous et on nous parle des uns des autres. Je pense qu’il y a quelque chose d’excitant dans cette nouvelle scène française, que ce soit pour les médias, le public mais aussi pour nous ! On a envie que ça aboutisse à quelque chose, qu’on marque les esprits. Cléa Vincent fait partie de ces artistes qui organisent des rencontres dans ce but, que l’on se rassemble. J’ai rencontré beaucoup d’artistes grâce à elle, c’est vraiment important ce qu’elle fait.
J’ai créé de nouvelles amitiés avec les artistes de cette scène émergente. Il y a un sentiment de bienveillance. Quand je suis arrivé à Paris, je ne me suis pas du tout senti rejeté. Pour commencer, j’ai tout de suite sympathisé avec les gens de mon label comme Bagarre, Fishbach ou Grand Blanc. On ne parle pas que de musique, c’est une vraie petite famille.
Mou a fait la première partie de ta Release Party à Stereolux …
Je le connais depuis plusieurs années maintenant. Il était encore cuisinier à Stereolux quand on s’est croisé pour la première fois. Je l’apprécie vraiment, j’adore sa musique, c’est d’ailleurs pour ça que je voulais qu’il ouvre mon concert. Il bosse encore en cuisine donc hormis les vendredis et samedis je ne peux pas l’inviter souvent. Sinon, il aurait fait la plupart de mes premières parties !
J’ai quitté Nantes avant de me rendre compte de ce qu’il a pu apporter à la scène hip hop nantaise. Je pense qu’il fait beaucoup de bien, il ouvre des voies différentes. A Nantes, il y a une grosse influence de Hocus Pocus qui régnait un peu sur la ville. (rires) Je pense que pas mal d’artistes ont été angoissés à cause de ça, ce n’est pas simple d’arriver après un tel groupe. C’était un peu les modèles de réussite à Nantes. Pour moi, Mou, c’est l’un des premiers à partir totalement à l’opposé de tout ça. Il n’essaie pas de copier quelqu’un, il fait son truc à lui et ça sort du lot ! Grand bien fasse au hip hop nantais.