Arturo Brachetti : « Je cherche sans cesse à me renouveler, à surprendre le public »

Après tant d’années de carrière, où puisez-vous encore votre inspiration ?

J’ai toujours beaucoup puisé mon inspiration dans l’art au sens large : la télévision (séries tv), le cinéma, la peinture, la musique, la littérature, les contes de fées… Mais je le suis aussi par des réflexions personnelles sur la vie, par mes rêves. Par exemple, je voudrais arrêter le temps, ne pas vieillir, voler… Je créé sur scène le monde tel que j’aimerais le vivre au quotidien. Le thème de ce spectacle c’est la réconciliation de Peter Pan avec son ombre.

© Paulo Ranzani

C’est un métier où il faut sans cesse se renouveler. N’avez-vous pas peur de décevoir le public qui vous a déjà vu par le passé ?

Bien sûr, comme tous les artistes qui ont connu le succès, j’ai peur de le perdre un jour. Le piège c’est de se répéter. C’est pourquoi je cherche sans cesse à me renouveler, à mettre la barre plus haut pour améliorer la technique de mes numéros, à surprendre le public. Par exemple en utilisant de nouvelles disciplines ou technologies comme la peinture du sable, la lumière laser, le vidéo-mapping, les effets spéciaux… Mais aussi dans la narration, la façon de jouer le spectacle, en le théâtralisant pour raconter au mieux une histoire, et jouer de la façon la plus touchante possible. Rajouter de l’émotion dans l’illusion en quelque sorte.

Le spectacle évolue en permanence, même au bout de la 300ème représentation. J’incite aussi beaucoup mes assistants et collaborateurs à se dépasser pour que le show soit époustouflant.

Vous êtes originaire d’Italie, quel public européen est selon vous le plus adepte de ce genre de spectacle ?

Le besoin de magie est universel. L’homme a besoin de maitriser la nature et son existence mais il n’y arrive pas toujours, donc vivre une fiction, un rêve, une illusion, lui donne la sensation de maitriser ce qu’il ne peut pas.

Le public de toutes les nationalités est attiré par ce genre de spectacle, mais chacun aura une sensibilité différente. Par exemple, les Suisses et les Belges sont fascinés par le visuel ; les français par la variété ; les Allemands par la fantaisie. C’est pourquoi je mets un point d’honneur à proposer un spectacle riche et varié.

Le public le plus difficile reste celui de l’Italie du sud qui a une tradition de théâtre très forte et qui est dur à impressionner…

© Paulo Ranzani

Quel tour ne vous a jamais lassé depuis le début de votre carrière ? Votre préféré, en quelque sorte.

Voler… le Peter Pan qui sommeille en moi adore voler ! Dans chaque spectacle je cherche une excuse pour pouvoir voler. C’est physiquement très agréable, se laisser emporter par ce moment de grâce, se détacher du sol, faire de pirouettes… Et c’est contagieux car voler est le rêve de beaucoup de gens !


Si vous deviez vous transformer et vivre d’un autre métier, lequel serait-ce ?

Je pense que j’aurais fait un métier proche des gens comme concierge, mais par-dessus tout je rêverais d’être pâtissier. C’est une perversion personnelle car je suis tout le temps à la diète afin d’être en forme pour les spectacles, donc l’idée de vivre au milieu des pâtisseries et d’en manger tous les jours me rend fou !


Pour vous, qu’est-ce qui fascine les enfants dans vos spectacles et ce quelles que soient les générations ?

Les enfants se retrouvent dans une réalité proche de leur univers, colorée, amusante. Les adultes vont renouer avec ce qu’ils pensaient avoir perdu : leur innocence, leurs rêves d’enfant …


Côtoyez-vous les jeunes transformistes qui se lancent ?

Je fréquente beaucoup les clubs de magie. Mais il y a rarement des talents originaux, peu ont réussi à se forger leur propre univers… Il y a beaucoup de copieurs, moins d’innovateurs. Car le plus dur n’est pas de changer costume en 10 secondes, mais de changer d’âme, d’énergie et d’incarner véritablement un nouveau personnage à chaque fois dans ce laps de temps très court.

© Paulo Ranzani

Comment la discipline évolue-t-elle ?

La technique et le numérique prennent hélas de plus en plus de place aux dépens de la poésie, on oublie que la culture est un puit d’inspiration. Et il est vrai que la pauvreté des moyens favorise la créativité. Par exemple je peux faire 10 minutes de spectacle rien qu’avec un mouchoir ! Mais aujourd’hui, YouTube est devenu un catalogue de numéros à copier, et on a l’impression que sans ordinateur les jeunes ne peuvent pas créer, c’est terrifiant. Je ne renie pas la technologie qui prend beaucoup de place dans mon spectacle, mais je ne l’utilise que si je trouve un moyen onirique, poétique pour l’utiliser.

Les effets spéciaux envahissent les salles. De nos jours, est-ce aussi facile qu’avant de faire rêver les gens en présentant un show simpliste mais néanmoins efficace ?

Il est vrai que même ce spectacle est plein d’effets spéciaux. Mais le numéro le plus applaudi est celui du chapeau troué qui date de 1616. C’est tout simple, banal mais il incite les gens à faire fonctionner leur imaginaire. De même un numéro simple, presque naïf, comme les ombres chinoises touche énormément et impressionne tout autant, si ce n’est plus qu’un numéro basé sur des technologies. C’est la puissance du cerveau et de l’être humain…


Quelle personnalité mériterait d’être transformée ?

C’est compliqué de répondre à une telle question. Ce qui serait intéressant c’est que chacun puisse se transformer le temps d’une journée en son opposé. Par exemple un homme en une femme, un chef en employé… pour avoir conscience de ce que vit l’autre, de ses problèmes, changer son point de vue et devenir meilleur. Ouvrir les yeux sur la réalité en quelque sorte !

 

 Arturo Brachetti – « Solo »
Le 18 décembre à La Cité à Nantes
brachetti.com

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard