La belle aventure dure pour Brigitte

Le duo féminin français le plus emblématique sortait son 3ème album l’an passé. Nues apparaissait comme un peu plus personnel que les précédents, la relation des deux artistes s’étant renforcée et intensifiée avec le temps. Sylvie Hoarau revient pour Lemon sur les débuts de Brigitte, la musique au féminin et sur ce 3ème opus qu’elles ont présenté aux nantais le mois dernier au Zénith. Elles remonteront sur une scène nantaise avant l’été pour un concert acoustique à la Cité des Congrès, à cocher dans vos agendas !

 

Comment le duo Brigitte est-il né ?

Aurélie et moi faisions de la musique séparément. Elle avait un projet solo et moi j’avais un groupe pop-rock. Il se trouve qu’on habite le même quartier à Paris où tous les musiciens se connaissent plus ou moins. Un ami en commun s’est dit qu’il fallait que l’on se rencontre, que nous nous entendrions bien. C’est grâce à lui, cela doit faire 15 ans maintenant, elle allait voir mes concerts et j’allais voir les siens. Je lui ai proposé de mettre en musique certains de ses textes pour son deuxième album solo. Ça s’est très bien passé, c’était fluide comme si l’on se connaissait depuis toujours. Chacune voguait dans ses projets perso mais le succès n’était pas là. (rires) Au bout d’un an, Aurélie m’appelle pour que l’on déjeune ensemble. Elle avait quelque chose en tête, à la fin du repas elle m’a fait une sorte de demande en mariage : « veux-tu monter un groupe avec moi ? » (rires) Tout est parti de là ! Je pensais arrêter la musique donc je n’ai pas hésité un instant. J’étais très heureuse qu’elle ait cette envie d’essayer. Au départ, on se moquait de nous-mêmes on ne pouvait que mieux faire … On a commencé à faire de la musique ensemble en 2007.

D’où vous est venue l’idée de vous nommer par un prénom ?

On aimait bien l’idée d’avoir un prénom pour deux voix afin de brouiller les pistes. Au moment où nous nous sommes lancées, c’était assez peu courant de chanter à deux. On nous avait même décourager à le faire.
C’était assez amusant d’avoir un prénom comme nom de scène et en particulier celui-là. Il est paradoxal, il évoque à la fois une femme de notre entourage que ce soit la boulangère, la tante ou bien la femme de ménage. Il évoque aussi des femmes audacieuses comme Brigitte Bardot, Brigitte Fontaine ou encore Brigitte Lahaie. On a souvent extrapôlé en disant que l’on rendait hommage aux Brigitte « connues » mais ce n’est pas le cas. C’est plus l’évocation de leur liberté ou de leur audace. Nous ne soutenons pas forcément tout ce qu’elles ont fait.

On a l’impression que vous ne vous séparez que très rarement, est-ce le cas ?

Brigitte nous occupe beaucoup, on passe énormément de temps ensemble. Mais on se voit aussi en dehors, nous sortons ensemble, nous partons en vacances ensemble…

Vous considérez-vous comme des artistes féminines engagées ?

On se considère comme des artistes tout d’abord. Cette question nous a souvent été posée et ce dès le premier album. On n’a jamais eu envie de cette étiquette « groupe féministe ». Il n’y a d’ailleurs aucune revendication dans nos chansons. Cela serait un peu abusif de nous estampiller ainsi. Certes, nous le sommes à titre personnel. (rires) Cela transpire peut-être dans nos chansons.
Ce premier album date d’il y a presque 10 ans et depuis tout a évolué. Le féminisme n’est plus un gros mot avec toutes les affaires et tous les scandales qui ont éclatés depuis. On a un peu mis de la lumière sur ce que vivent les femmes quel que soit le domaine. Aujourd’hui, beaucoup de femmes se rassemblent, s’unissent et on se reconnaît dans tout ça. Nos chansons n’ont toujours pas de revendications dix ans après nos débuts, elles ont seulement un point de vue féminin.

Brigitte

© Sophie Ebrard

La parité hommes-femmes dans la musique est-elle encore utopique selon vous ?

Il y a certainement plus de femmes dans ce milieu mais il suffit d’écouter la radio pour se rendre compte qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Beaucoup de chanteurs monopolisent les ondes ou même certains festivals. Les métiers se démocratisent par contre, on trouve des femmes techniciennes du son, des régisseuses, on les croise en tournée. Cela reste cependant minime, c’est un début. Même dans notre équipe, elles sont peu nombreuses finalement ! Après, inversement il y a des métiers où il n’y a que des femmes.

Pomme voit en vous et en votre génération d’artistes féminines un exemple à suivre. De votre côté, côtoyez-vous régulièrement la nouvelle scène musicale française ?

En effet, on essaie de s’intéresser à cette nouvelle génération. Pomme a d’ailleurs fait quelques-unes de nos premières parties. Juniore ou Juliette Armanet ont également tourné avec nous. Nous sommes curieuses.

Pour revenir sur ce 3ème album, qu’est-ce qui le démarque de votre premier opus sorti en 2011 ?

Du temps surtout ! (rires) Notre premier album est sorti en 2011 mais le travail avait commencé bien avant donc cela commence à remonter pour nous. Ça n’a plus rien à voir finalement. On a fait ce premier projet avec beaucoup de naïveté et de spontanéité. On ne pensait même pas sortir un album au début. Nous faisions des chansons puis de la scène et … voilà. Aucun plan n’était fait au préalable, on s’est retrouvé là un peu malgré nous.
Notre relation a changé aussi. Et vous, tu m’aimes ? était le fruit de notre rencontre. On s’est confié, on s’est livré,
maintenant on se connaît très bien. Et puis cet album est particulier, Aurélie est partie vivre un an aux États-Unis donc on se voyait peu. On faisait des sessions de 2 ou 3 semaines intensives. Ça en fait un album plus intime et plus personnel.

Vous jouiez dernièrement au Zénith de Nantes, ne préféreriez-vous pas jouer dans une plus petite salle plus en adéquation avec votre projet ?

C’est toujours moins grand qu’un festival ! (rires) Ça reste un endroit où les gens sont venus pour nous voir. Je ne fais pas de hiérarchie entre les concerts, je ne pense pas à tout ça. On ne veut pas se cantonner au studio, ça n’aurait pas de sens. On aime rencontrer les gens, faire des dédicaces ou autre. Nous sommes dans cet état d’esprit donc peu importe la salle. Que l’on soit devant 500 ou 2000 personnes, on fait les choses avec tout notre cœur. On fait des grandes tournées mais on ne se lasse jamais. C’est un réel bonheur, on espère transmettre ce plaisir sur scène !

Brigitte – Nues
Sorti le 17 octobre 2017
Columbia/Sony Music

Brigitte
En concert acoustique piano-voix
Mardi 4 juin 2019 à La Cité
Réservations : ospectacles.fr

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard