Vendredi sur Mer présente ses Premiers Émois à Stereolux
Son nom est un pêle-mêle de mots qu’elle aime, c’est un premier voyage avant l’écoute de ses chansons. Vendredi sur Mer intrigue et fascine depuis ses morceaux créent à son arrivée à Paris. Paris qui l’a aussi accueillie pour son premier concert aux Trois-Baudets. Bercée dès son plus jeune âge par la musique qu’écoutait son père, particulièrement éclectique, la chanteuse suisse a trouvé son public avec la sortie de son premier EP Marée Basse. Celle qui a grandi en écoutant à la fois Natacha St-Pier, Air et des disques de bossa nova collabore avec un génie de la production depuis son morceau « La femme à la peau bleue » : Lewis Ofman. Lana Del Rey, Fakear et Rejie Snow ont par exemple travaillé à ses côtés. Il casse les barrières et a compris l’univers de Charline Mignot dès leur première rencontre. Cela n’a donc rien d’étonnant de voir des Mexicains ou des Stambouliotes écouter les chansons de Vendredi sur Mer. L’ancienne photographe de mode n’est cependant pas déconnectée de son passé et des actualités liées. Quand on lui demande quelles marques suit-elle de près, elle cite d’emblée Marie-Claire pour son engagement pour l’environnement ou encore le styliste Simon Porte Jacquemus pour ses pièces modernes et novatrices. Côté musique, ses Premiers Émois ont convaincu les derniers sceptiques.
Tu as commencé la musique il y a environ 5 ans. Quel a été l’élément déclencheur ?
Quand j’étais adolescente et même plus petite, j’écrivais déjà beaucoup. Grâce à la musique, j’ai pu expérimenter une autre forme d’écriture. Je faisais encore de la photo de mode il n’y a pas si longtemps mais la musique a pris de plus en plus de place dans ma vie. J’ai donc décidé de me lancer à fond dans cette nouvelle aventure, de faire à ça à temps plein !
Plus jeune, tu écrivais quel genre de texte ? Des poèmes ? Des nouvelles ?
Un peu de tout. Des nouvelles et des métaphores principalement. Par exemple, je prenais un mot et je rédigeais un texte pseudo-psychologique sur celui-ci.
Ça me permettait de vider mon sac aussi, d’exprimer ce qui m’énervait notamment.
Comme tu le disais, la photographie a aussi une place importante dans ta vie. Ainsi que la mode par extension. Pensais-tu ou du moins voulais-tu faire carrière dans ce domaine ?
Oui clairement, surtout la photographie. De toute manière, je n’imaginais pas faire de longues études « classiques ». Ce n’était pas fait pour moi, je souhaitais m’orienter vers un parcours artistique. Et puis, je suis assez curieuse, c’est notamment grâce à ça que je me suis dirigé vers la musique. J’ai voulu aller plus loin, pour voir, dans un premier temps.
« On appuie souvent sur le fait qu’untel est belge ou qu’unetelle est suisse mais pour moi l’évolution de la musique est plus globale. »
Grâce à la musique, tu as d’ailleurs pu créer des passerelles avec la mode et la photographie. On pense notamment à l’une de tes musiques qui a été choisie pour un défilé Sonia Rykiel ou à l’univers visuel de ton travail. A l’avenir, penses-tu que tu pourrais retourner vers la photographie de mode ?
Peut-être oui. Je reprendrai certainement de la photo à un moment donné mais je ne suis pas sûr d’en refaire dans le milieu de la mode. Je pense avoir évolué depuis mes débuts, ça ne m’intéresse plus autant. J’aimerais davantage me concentrer sur des photos de nature morte, j’imagine du moins. A titre personnel ou professionnel, j’en ai aucune idée pour le moment.
Et puis, la photo n’a jamais vraiment quitté mon quotidien. Je fais appel à des professionnels que je connais bien, dans mes clips par exemple. J’aimais leur travail avant mes débuts dans la musique. C’est chouette de pouvoir travailler avec eux, le métier de photographe ou de vidéaste n’est pas simple, on travaille seul généralement. Je n’avais donc pas eu l’opportunité de collaborer avec eux par le passé, grâce à la musique j’ai pu le faire. Pour moi c’est plus de la direction artistique que de la photographie, je leur fais part de mes souhaits et ils font le reste. Mais en tout cas, la photographie n’est jamais loin.
Cela a dû te troubler d’être de l’autre côté de l’appareil !
Oui, tellement ! Ce n’était vraiment pas facile au début. (rires)
Après, je leur fais confiance, je travaille avec eux car j’apprécie ce qu’ils font. Je n’ai pas un regard de photographe sur leurs productions mais plutôt de modèle. Cela faisait tout de même bizarre de se voir en photo, je n’avais pas l’habitude. Il faut juste lâcher prise et appliquer les consignes que l’on donnait aux autres à soi-même.
Tu es une amoureuse des mots. Quels artistes actuels seraient pour toi autant des poètes que des chanteurs ?
La chanteuse néozélandaise Lorde dont le 2ème album est très bien écrit. On n’en parle pas forcément beaucoup mais il vaut le détour.
En Français, j’écoute toute sorte de rap. De Jul à MC Solaar ! (rires) J’aime bien la spontanéité que permet le genre. J’étudie beaucoup leur écriture, c’est assez fascinant. La façon dont ils posent les mots, comment ils les choisissent et comment ils composent leurs jeux de mots. Si on découpe le texte, on se rend compte de beaucoup de détails. Ça se rapproche d’une écriture plutôt poétique finalement.
Pour revenir sur tes deux premiers projets, l’EP Marée Basse mettait la barre assez haute. Avec Premiers Emois, ton album, qu’as-tu voulu apporter de plus ?
L’intégration du chant ! C’était une évolution logique pour moi, j’en avais besoin.
La manière de travailler n’était pas du tout la même. J’ai bossé en collaboration totale avec Lewis Ofman. Sur l’EP on ne se voyait pas autant, on était en lien mais on travaillait chacun de notre côté.
Avec le temps, j’ai d’autres références, d’autres envies aussi. J’ai raconté ce que je voulais, c’est un album assez instinctif. Il n’y a pas eu cinquante titres et une sélection drastique, les morceaux avaient tous un lien, dès leur conception.
Muddy Monk, Makala, Josman, Di-Meh … Les Suisses ont clairement pris part au développement de la musique francophone ces dernières années. Ressens-tu cette évolution dans ton pays d’origine ?
Je crois que quelque chose bouge effectivement. Après, on appuie souvent sur le fait qu’untel est belge ou qu’unetelle est suisse mais pour moi l’évolution musicale est plus globale. C’est vraiment plus simple de faire de la musique aujourd’hui. Il y a de tous niveaux bien-sûr mais le rapport à la musique est plus simple. Avec un synthé, on peut déjà faire pas mal de choses ! Et je ne parle pas du partage sur le web qui a tellement facilité les choses de nos jours, tout le monde peut exporter son travail. Ça se retranscrit dans les nouveaux projets, les artistes sont de plus en plus jeunes. Pour moi, le fait qu’on soit Suisse met juste un peu d’« exotisme » dans les médias.
Les réseaux sociaux facilitent la communication des artistes mais cela peut être également nuisible. Tu en as d’ailleurs fait les frais avec les attaques que tu as subies sur ton physique. Avec du recul, que penses-tu de ce phénomène de libération de la parole, quelle qu’elle soit ?
Je ne regarde plus les commentaires. Alors oui, ça m’a blessé à un moment mais je fais abstraction désormais. Peu importe qui tu es, peu importe ce que tu fais, les gens auront toujours quelque chose à dire. Que tu sois gros, maigre, blanc, noir, blond, brun … Il faut laisser couler et ne pas y attacher d’importance. Je fais ce que j’aime, ma musique et ça ne me touche plus. Je n’y prête pas attention. Il faut juste se protéger. J’en ai parlé pour ceux qui subissent ça et ne disent rien, ce n’était pas pour moi ou pour me défendre. C’était important d’en parler tout de même. Après, si on se penche trop sur ces attaques gratuites, on n’avance plus, on ne fait plus rien. Peu importe ce que l’on fait dans la vie, que l’on soit médiatisé ou non.
A partir du moment où l’on accorde des libertés, cela déborde forcément. Je ne sais pas comment cela peut se canaliser si ce n’est par l’éducation des enfants à la base. Les problèmes viennent forcément de la racine. C’est comme tout, il y a une phase où tout est génial et ensuite ça bascule et on se rend compte des problèmes que cela peut poser. Je trouve que les jeunes commencent à faire davantage attention à ce que l’on peut mettre ou non sur les réseaux sociaux. C’est une éducation que l’on n’a pas eue, nous étions un peu les cobayes. Il faut sensibiliser les plus jeunes.