« C’est une sorte de grande composition visuelle et sonore qui habite le lieu »
Le Grand Café a l’habitude d’accueillir de grandes expositions audiovisuelles même si le visuel prend généralement le dessus. Cette fois-ci, Anne Le Troter met l’accent sur la partie sonore en diffusant des enregistrements audios qui mènent l’exposition. L’idée de ce projet est née entre la France et les Etats-Unis, dans un avion … Sa rencontre avec une femme travaillant dans une banque de sperme l’a intrigué, s’en est suivi un montage sonore composé de voix multiples dont on va vous expliquer la provenance.
Le thème abordé est peu commun qui plus est en France où ces pratiques sont très encadrées par la loi. En effet, le don de sperme ne peut être qu’anonyme dans notre pays. Dans d’autres contrées comme aux Etats-Unis, il est possible de choisir un donneur grâce à son physique, ses données personnelles ou même sa voix. Ce dernier point est le cœur du travail d’Anne Le Troter. Cette dernière a consulté le site public de la banque de sperme évoquée lors de son vol Paris – Dallas. Elle a ainsi trouvé les voix de 400 employé.e.s américains qui décrivent 400 donneurs de sperme qu’ils ont rencontrés lors d’entretiens. L’ensemble de ces voix forment une vaste chanson qu’elle a choisi de diffuser dans cette exposition nommée « Parler de loin ou bien se taire ».
Pour cette exposition monographique au Grand Café, je me suis concentrée sur la différence entre les personnes et les personnages : la banque de sperme crée des personnages en les stéréotypant (« cute », « hansome », « funny »)
Propos recueillis par Eva Prouteau, critique d’art, le 25 novembre 2018
Afin de narrer toute cette histoire, Anne Le Troter a conçu trois plateaux à langage reliés. L’étage n’est, par exemple, consacré qu’aux voix (traduites en français) de deux hommes et d’une femme. A l’entrée du Grand Café, la petite pièce symbolise l’exposition, elle pourrait en être le générique. Un casque audio y est à disposition, une façon de s’imprégner totalement du sujet. La grande pièce propose elle une vaste zone d’écoute. Comme au cinéma, une attention particulière est demandée visiteur tout au long de l’exposition.
© Marc Domage
L’artiste accompagne ces extraits sonores d’images qui viennent agrémenter le propos. Effectivement, la banque de sperme concernée par le projet permet également de voir des photos des donneurs, d’où ce parallèle dans l’exposition. Afin de limiter la résonnance du lieu, Anne Le Troter a installé un pan de mur tendu de peau de batterie mais aussi des dérouleurs à moquette. Par ailleurs, les câbles audios se baladent dans tous le lieu afin de renforcer le lien entre les pièces.
Cette écoute collective est « un jeu de gênes » pour Anne le Troter. Elle décrit « la spatialisation comme un corps » et pose une question à travers toute cette banalisation des personnalités que dévoile l’exposition : « Finalement qu’est-ce qui vous rend unique ? ».