Moja : «Aujourd’hui, on se pose tous des questions quant à notre place dans la société. Et, comme la soul, je trouve que le reggae l’exprime bien. »

A quelques jours de leur release party pour One à Stereolux, la chanteuse Marine s’est posée quelques minutes pour nous présenter son groupe Moja. Leur agenda scénique se fournit petit à petit, ils seront notamment au festival Yapaklévignes début septembre à Vigneux-de-Bretagne. Ce festival de musiques éclectiques propose une programmation locale, riche et variée. Rendez-vous à la rentrée ! 

 

Commençons par présenter le groupe. Comment et à quel moment s’est constitué Moja ?

Marine : On a monté le groupe à 6 en 2013, nous étions une formation classique de Reggae. Notre premier EP Back to roots* est sorti en 2015. Nous avions fait une release party au Ferrailleur avec des saxophonistes et accordéonistes. Après cette date, nous avons décidé de continuer l’aventure avec eux. Nous étions dans une démarche de développement amateur. Finalement, deux années se sont écoulées avec de belles dates. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une place à se faire. On se démarque un peu des groupes de reggae français, notre style est différent. L’an dernier, nous avons senti qu’il fallait passer à autre chose, aller plus loin, se lancer des nouveaux défis. On ne savait pas si l’on devait sortir un nouvel EP ou un album. Après réflexion et vu l’énergie que ça allait nous demander que ce soit pour un EP ou un album, nous avons penché pour le second !

Nous étions donc 9 à travailler sur cet album mais à l’avenir nous allons sûrement revenir à une formation plus réduite. Pour les concerts, cela nous permettra d’avoir un plateau plus accessible pour les programmateurs. Ce sont des choix naturels, les personnes qui nous quittent ont d’autres choix de vie, c’est une volonté personnelle.

Selon toi, quelle place a le reggae à Nantes ?

Il y a pas mal de reggae à Nantes. C’est une des villes les plus active de France mais cela mélange le live et le soundsystem. Le soundsystem est très présent avec l’asso Get Up ! qui a lancé le Dub Camp Festival il y a quelques années. Le disquaire One Ness Records rue Joffre fait partie, lui, des pionniers du reggae à Nantes. Ils ont contribué, avec d’autres acteurs, à développer le reggae et le dub dans la ville et ses environs.

Je ne suis pas arrivé à Nantes il y a très longtemps mais il y a beaucoup de groupes à Nantes, jeunes ou moins jeunes. Tous les styles du reggae sont représentés et on se connaît tous, on s’apprécie et on se complète.

Quand tu parles de professionnalisation du groupe, comment cela se passe-t-il ?

Le reggae c’est vraiment un style à part entière, les gens qui le pratiquent ou le côtoient sont des passionnés. On a eu de la chance d’avoir des articles sur notre album dans toute la France mais aussi à l’étranger. Il y a beaucoup de revues ou de radios spécialisées. C’est un réseau très puissant et développé, c’est assez facile de se faire entendre dans ces médias. Après, si tu n’écoutes pas de reggae tu n’en entendras pas forcément parler, c’est assez spécifique.

Sur cet album, on a travaillé avec le producteur Gabriel Bouillon. C’est un guitariste qui a produit plusieurs albums de groupes de reggae français. C’est un son très roots assez éloigné de ce qui se fait actuellement. Le fait de travailler avec lui nous a cadré. Il nous a fait profiter de son expérience sur la promo ou la distribution par exemple. C’est la première fois que nous avions un accompagnement sur ces sujets, il y a tellement de choses à gérer à côté de la musique.

Que signifie Moja ?

C’est un membre du groupe qui a trouvé ce nom. Cela vient du dialecte africain swahili, « moja » signifie « unité », « un ». C’est une valeur très importante dans le reggae, une valeur universelle ! Quel que soit ta provenance, ta religion, ta couleur … C’est quelque chose que l’on a vraiment mis en avant dans notre album. D’où le nom de celui-ci : « One ».

Parle-nous de ce One.

Ça a été très chronologique finalement, on savait que l’on allait faire un album. Nous avions quelques titres déjà testés en live.
Après, nous nous sommes rapidement questionnés sur le financement. On s’est assez vite rendus compte l’apport financier nécessaire. On a décidé de se lancer dans une campagne de crowdfunding avec l’aide de Trempolino. Notre public était le destinataire. On s’est lancé à fond avec pour projet cet album et tout ce qui l’entoure en matière de communication. On a travaillé le visuel avec un graphiste, on a bossé sur la partie clip etc. A partir de là, Gabriel a accepté de travailler avec nous. Il a vite compris ce qu’on voulait.
Initialement, on avait préparé plus que 8 titres, on n’arrivait pas à faire un choix. Chaque morceau a son histoire. Notre producteur l’a fait pour nous en ressortant les morceaux qui étaient le plus en phase avec le projet global. Une fois qu’ils ont été sélectionnés, nous les avons réarrangés et réenregistrés. Il nous a aidé mais nous étions prêts pour ce projet, on avait l’envie de bien faire. Il a sublimé notre musique sans la dénaturer.

Que représente cet arbre envahissant que l’on trouve sur la pochette de l’album ?

Le graphiste est nantais, c’est « Mister Plum ». La première chose qui a plu dans son travail, c’est le fait qu’il dessine. On voulait quelque chose d’organique, la trace de la main nous importait. Il nous a proposé l’arbre assez rapidement, c’est ce qu’il ressortait de notre projet. L’unité, le côté roots, l’attachement à la nature … Il y a beaucoup de choses sur cette pochette, chacun peut s’y projeter.

moja one

Le reggae est un milieu plutôt masculin, n’a-t-il pas été difficile pour toi de te faire une place ?

Pour moi c’est simplement un problème de médiatisation car les femmes sont nombreuses dans le reggae. Les hommes sont plus nombreux mais ce sont surtout eux que l’on voit dans les médias. Personnellement, je n’ai pas rencontré de difficultés.

La plus grosse difficulté est ailleurs. Quand tu ne viens pas du ghetto, de Jamaïque, que tu es européen, ce n’est pas forcément facile de se faire comprendre. Le reggae est né dans la misère, il revendique des droits sociaux. Après, cette musique parle à tout le monde. On a tous des problèmes plus ou moins importants dans notre vie. Aujourd’hui, on se pose tous des questions quant à notre place dans la société. Et, comme la soul, je trouve que le reggae l’exprime bien. Il y a d’ailleurs des racines communes dans ces musiques-là.

Quels artistes t’ont marqué dans ta jeunesse ?

Dezarie particulièrement, c’est une chanteuse qui vient des Îles Vierges non loin de la Jamaïque. Elle vient d’un univers très roots, un peu mystique. Elle a une voix incroyable ! Quand je l’ai découverte, cela a été une révélation pour moi. Je chantais et écoutais déjà du reggae mais là c’était différent. Elle est l’une de mes influences majeures.

Si tu devais résumer le concept Moja en quelques mots …

C’est un voyage introspectif qui laisse place à la prise de conscience. La pulsation du reggae est mise en avant.

 

*disponible sur bandcamp

Moja – One sorti le 6 avril

Samedi 8 septembre au Festival Yapaklévignes à Vigneux-de-Bretagne
Avec La Belle Bleue, BogZH Celtic Cats, Solar Project

Facebook : Festival Yapaklévignes

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard