Angèle dégivre la chanson belge
Les artistes belges et principalement bruxellois envahissent l’hexagone, cette nouvelle scène francophone modifie les codes. Angèle, la vingtaine et 100.000 followers sur Instagram, fait partie de cette génération dorée qui risque de faire parler d’elle dans les années à venir. La pop et le rap sont la base musicale de ces succès. Angèle se range du côté de la pop tout en collaborant avec le milieu hip hop dont fait partie son frère, Roméo Elvis. Les touches électroniques et la chanson composent ses premiers projets. C’est, tout simplement, une artiste inspirée par l’éclectisme musical comme bon nombre de ces nouveaux talents.
Rencontre après sa première partie des sœurs franco-cubaines Ibeyi.
Comment et quand as-tu commencé la musique et le chant ?
J’ai toujours fait de la musique, mon père est chanteur. On a toujours été dans ce milieu !
J’ai débuté le piano en classique dès l’âge de 5 ans. Plus jeune, j’étais vraiment timide donc je n’avais ni l’envie ni la prétention de devenir chanteuse. En plus de ça, je ne voulais pas trop suivre les pas de mon père, c’était une sorte de rébellion. J’ai été ensuite dans une école de jazz mais je me suis rendu compte que je ne voulais pas devenir pianiste. J’ai donc fini par prendre des cours de chant et petit à petit j’ai commencé à assumer même si je ne me montrais que très rarement.
Plus tard, je me suis mis dans l’écriture. Grâce à Instagram j’ai fini par définitivement me lancer en m’exposant volontairement.
C’est plutôt rare pour une chanteuse / un chanteur de se faire connaître par Instagram.
Cela s’est fait tout seul, je n’avais même pas de compte avant ça. Je suis dessus depuis deux ans maintenant, j’ai posté une première vidéo de moi et une amie avec qui je chantais. Ça a bien plu à mon entourage, j’ai donc continué à en poster régulièrement. J’ai toujours pris du recul sur mes posts, je ne me prenais pas vraiment au sérieux pour ne pas paraître sûre de moi. Ça ne fait pas très longtemps que ça marche vraiment.
Avant tout ça j’étais anti smartphone ! C’est dur à croire, maintenant je passe ma vie dessus… (rires)
Pour ou contre le selfie ?
J’ai un vrai problème de narcissisme assumé. Le selfie est la pire invention qui pouvait m’arriver ! (rires) Je dois faire attention à ne pas passer ma vie sur les réseaux sociaux. Le problème avec Instagram, c’est que personne ne me critique. Les gens adorent ça donc j’essaie de m’auto-critiquer. Après, tout ça m’a beaucoup apporté. Il faut faire attention à ce que cette vie virtuelle ne prenne pas le dessus.
De nos jours, les portables sont omniprésents dans les concerts …
L’autre jour, une fille a passé son concert à me filmer. Je joue certaines chansons en exclu dans mes concerts, je ne veux pas que ça sorte sur youtube ! Mais bon ça m’échappe, j’ai juste envie de lui dire « Regarde le concert ». (rires) C’est le jeu.
Pour Damso, j’hallucine à chaque fois ! Certains voient le concert dans leur portable.
Après je pense que c’est une mode, ça deviendra ringard avec le temps.
Ma com’ est basée là-dessus, ce serait hypocrite d’être contre tout ça.
Ton frère, Roméo Elvis, a une certaine notoriété. Tu as fait un feat (« J’ai vu ») avec lui sur son album sorti il y a quelques mois. Plus jeunes, avez-vous eu l’idée de collaborer ?
Plus jeune, mon frère faisait du piano également. On a fait un duo à ce moment là, je devais avoir 10 ans et lui 13. Ma prof avait vraiment espoir de nous faire jouer ensemble mais on se disputait sans cesse. Du coup, on se trompait à chaque fois, on n’y arrivait pas. On a fini par se retrouver sur scène, devant nos parents. Et c’est la seule fois où nous avons joué sans faute ! C’est le seul lien musical qu’on a eu avec mon frère dans notre jeunesse. On était chacun dans notre style, moi plus dans le jazz et le classique et lui dans le rap.
Ce n’est que récemment qu’il est venu vers moi avec cette volonté de travailler ensemble. Il a bien fait les choses, il a attendu que je trouve mon identité pour qu’on ne m’assimile pas comme « la sœur de Roméo ». C’était forcément un peu le cas mais cette attention était vraiment gentille de sa part. Il ne voulait pas me mettre dans l’ombre, il souhaitait que je défende mon propre projet. Autant pour lui que pour moi, c’était un plaisir de bosser ensemble et en plus de ça on a eu de super retours sur ce morceau. On a réussi, naturellement, à faire quelque chose qui soit fidèle à son univers mais également au mien.
Quels sont tes rapports avec les artistes de cette nouvelle génération belge ? Damso, Caballero & Jeanjass, Le Motel etc.
Pour toute la bande de Le Motel, L’Or du Commun et Caballero & Jeanjass je suis vraiment la petite sœur. Je les connais depuis toujours mais je les côtoie seulement depuis un an grâce à un live ou Roméo m’avait invité en octobre 2016. Sans mon frère je ne les connaîtrais pas.
Damso et son équipe m’ont contacté directement pour ses premières parties. On s’est posé la question de le faire ou non et puis on s’est lancé !
D’ailleurs comment se passent ces premières parties de Damso ?
En comparaison avec mes premières parties d’Ibeyi, cela se vaut dans le sens où autant de personnes aiment ou n’aiment pas ce que je fais. Après pour Damso, le public est vraiment plus jeune donc c’est forcément différent, ils ont peut-être moins l’habitude des concerts, du moins j’imagine. Le public d’Ibeyi a cette soif de découverte qu’on ne peut pas retrouver partout, ils sont très ouverts. Après, Damso m’a vraiment soutenu car j’appréhendais ces concerts. Ça m’a vraiment aidé, il y a eu d’excellentes surprises où le public a suivi, c’était un vrai plaisir !
Et comment vis-tu cet enchaînement de concerts ?
C’est tout nouveau pour moi donc très enrichissant. J’ai fait pas mal de concerts en Belgique dans de petit lieux. En France, j’étais seulement passé à Paris, deux fois. Pour l’Arte Concert notamment.
J’ai tourné un peu en festival avec mon frère, je ne montais sur scène que pour un morceau mais ça a permis de me tester, devant un public rap qui plus est. Je n’ai pas trop été étonné par le public de fans qui viennent voir Damso.
Avant tout ça, j’ai beaucoup tourné avec mon père, lui-même artiste.
Toutes ces expériences m’ont ôté un peu de stress vis-à-vis de ces premières parties.
Jouer devant différentes générations est passionnant !
Côté influences, quels artistes ont été ou sont importants pour toi ?
Beaucoup m’ont influencé, autant des français que des américains d’ailleurs. J’écoute de tout.
Pour ressortir un nom, je dirais Christine and The Queens, cela m’a aidé à mélanger l’électro et l’organique.
Après il y a mon frère bien-sûr, ça m’a fait rêver de le voir sur scène sur ses projets perso. Ça m’a vraiment motivé !
J’ai aussi bossé avec un rappeur belge, ça m’a permis de prendre confiance en moi pour l’écriture de textes en français. Sans tomber dans le « cul-cul ».
J’ai beaucoup écouté Sabrina Claudio, une chanteuse américaine.
Des artistes féminines indépendantes aussi comme Ibeyi, je respecte tellement leur travail par exemple. Elles écrivent, composent, produisent, mélangent les styles musicaux, elles ont tout pour elles !
As-tu des projets à venir prochainement ?
Après « La loi de Murphy », d’autres singles devraient arriver et j’ai l’intention de sortir un album dans un futur proche.
Pour terminer, pourquoi ce visuel « spaghetti » ?
Parce que j’aime la bouffe ! (rires) Plus sérieusement, j’ai la chance de travailler avec Charlotte Abramow qui est une photographe franco-belge. Je l’ai rencontrée il y a un an mais je la suis depuis toujours. C’est l’une des premières à avoir ouvert une page Facebook pour montrer son travail. Elle est de ma génération, on aime nos projets respectifs donc cela s’est fait tout seul. Elle a réussi à retranscrire mon univers. Bruxelloise, jeune, indépendante, c’est chouette d’être tombée sur elle. Et donc les spaghettis c’était son idée ! En fait je jouais à Bruxelles dans des restaurants lors d’une sorte de festival. Je m’habille en jaune régulièrement, ça l’a inspiré. La photo a été très bien accueillie, elle a su montrer Angèle en image.