« Un Musée doit être proche de la vie des gens »

Comme tous les nantais, nous attendions sa réouverture avec impatience. Un et demi après celle-ci, nous avions envie de faire le point avec la Directrice du Musée d’Arts de Nantes, Sophie Lévy. La fréquentation, les points positifs et négatifs, le restaurant d’Éric Guérin, nous avons abordé de nombreux sujets qui, nous l’espérons, devraient vous intéresser.

Les visiteurs créent l’ambiance d’un Musée en parcourant les allées, « les nantais semblent s’y plaire » tient à préciser Sophie Lévy. Les œuvres du XIIIè siècle au XXIè siècle se mélangent au sein du Musée tout au long de l’année. L’été, le lieu accueille une œuvre contemporaine afin de préserver ce lien qui l’unit à la ville et par conséquent au Voyage à Nantes.

Fin 2019, Charlie Chaplin investira le Musée d’Arts. Cette exposition spectaculaire associera la dimension cinématographique aux arts plastiques qui ont pu s’en inspirer. A partir du 18 octobre, l’équipe du Musée relèvera donc un nouveau défi qui, pour la Directrice, sera « un cran au-dessus » des précédents. Le Louvre Abu Dhabi accueillera cette même exposition en avril 2020, ce sera ainsi la première fois que le musée de la capitale des Emirats Arabes Unis prendra la suite d’un musée provincial français. En attendant cet événement, « L’éloge de la sensibilité » et ses œuvres du XVIIIème siècle prendra place rue Georges Clemenceau et mettra en avant une co-production de musées bretons.

Depuis la réouverture du Musée, quelles sont vos grandes satisfactions ?

Sophie Lévy : Pour commencer, nous n’étions pas sûrs que le public accueille le Musée d’Arts si favorablement. En effet, nous avions pris un certain nombre de risques avec la nouvelle extension et la place donnée à l’art contemporain. Le plus gros pari pour nous était le surgissement des œuvres contemporaines au beau milieu des pièces classiques et inversement. Trois temps d’expositions ont été imaginé sur l’année, est-ce que cela allait convenir ? Que ce soit dans l’architecture ou dans la proposition artistique, nous ne pouvions connaître le ressenti du public avant sa réouverture. C’est une sorte de nouveau Musée finalement.

Globalement, le public a très bien accueilli ces nouveautés et les a compris. On nous dit que le Musée apparaît comme plus ouvert sur la ville depuis sa réouverture que ce soit architecturalement mais aussi dans son esprit, un peu plus décontracté qu’auparavant. L’approche est beaucoup plus contemporaine. La Nocturne, le pass à 10€, tous ces petits ajouts ont rencontré un franc succès dès les premiers mois. La programmation plaît également, les expositions de printemps et d’automne encadrent l’exposition estivale en lien avec le Voyage à Nantes. Le Musée vit au rythme de la ville. Il s’est très bien inséré dans le paysage métropolitain. En nous associant à des festivals comme Carrément Biscuits ou Scopitone, nous renforçons le lien avec les nantais.

Depuis la réouverture, tout s’est fait assez naturellement finalement. Ce sont, en quelque sorte, des retrouvailles entre les nantais et leur Musée. C’est ce qu’on a pu constater avec le succès de la dernière exposition « Le Scandale Impressionniste » qui revenait sur le salon d’arts de Nantes de 1986. L’exposition connaît la plus grosse fréquentation depuis cette passation entre le Musée des Beaux-Arts et le Musée d’Arts. Plus de 120.000 visiteurs sont ainsi venus la voir, il y a eu un vrai engouement.

Concernant la fréquentation, atteignez-vous vos objectifs initiaux ?

Avant sa fermeture, le Musée des Beaux-Arts accueillait 120.000 visiteurs par an. Pour le Musée d’Arts, nous avions fixé un objectif à 200.000 visiteurs annuels afin d’être cohérents avec les nouveautés que le Musée apportait. En 2018, c’est une vraie réussite sur ce point car plus de 325.000 ont fréquenté le lieu. Nous sommes largement au-dessus de nos espérances !

Nous n’avons pas encore les chiffres de fréquentation des autres musées français pour l’année 2018 mais le Musée d’Arts pourrait se situer à la 3ème position en se référant à l’année 2016 et en excluant Paris bien-sûr. Seuls les musées du Louvre-Lens et des Beaux-Arts de Lyon seraient devant avec ces chiffres. On en saura plus prochainement mais c’est déjà une belle performance.

Quelles sont les remarques négatives que vous remontent les visiteurs depuis juin 2017 ?

Certains d’entre eux disent se perdre dans le Musée. Il est bien entendu plus grand le précédent. La structuration du Palais Ancien avec ce double-jeu de galerie intérieure et extérieure provoque ce se sentiment d’égarement. On peut aussi évoquer Le Cube qui se situe au premier étage et qui peut un peu égarer le visiteur. Il y a certainement des améliorations à faire concernant l’orientation du visiteur. Nous nous attelons à travailler sur ce point. Il est vaste et complet à parcourir, à nous de simplifier sa visite.

La question de vente en ligne est également problématique. Un grand Musée tel que le notre se doit d’avoir une billetterie sur son site web. Ce n’est pas encore le cas car nous rencontrons des difficultés à ce sujet.
Il y a donc une marge de progression, c’est vraiment encourageant pour la suite !

Musée d’arts de Nantes – © C. Clos

A titre personnel, quelle exposition vous a le plus surpris depuis la réouverture ?

Honnêtement, je ne pensais pas que « Le Scandale Impressionniste » aurait eu autant de succès. C’est une exposition historique qui n’a pas de dimension nationale malgré les similitudes entre le salon d’arts de Nantes et l’histoire de l’art français de l’époque. Ça a été une très bonne surprise !
L’exposition d’Aki Inomata pour Scopitone a rencontré un franc succès mais je m’y attendais davantage. Il y avait cette dimension poétique, esthétique, ludique et contemporaine de son travail.

Dans les « à-côtés », quelle est la principale nouveauté par rapport au Musée des Beaux-Arts ?

On a poursuivi le travail qui avait été fait pendant tant d’années. L’objectif était d’améliorer les services inhérents au Musée tels que les visites guidées, les ateliers etc. Aujourd’hui, on propose un atelier différent par exposition. Cet espace de médiation apporte quelque chose de plus à l’exposition. C’est un outil pédagogique très important pour nous et cette instauration fonctionne bien et plaît au public, notamment aux familles.

Le restaurant du Musée a fait beaucoup de bruit lors de son ouverture. Qu’avez-vous voulu créer avec ce lieu ?

Le précédent n’avait qu’un café, c’est une évolution importante. C’était l’une des mes idées de faire appel au chef Éric Guérin connu pour son restaurant étoilé La Mare Aux Oiseaux. C’est une chance qu’il ait accepté. Pour moi, c’est important que le restaurateur engage son nom de la même manière que le Musée engage le sien. Il a pris le risque et nous le remercions. On ne veut pas dissocier le Musée du restaurant, c’est une plus-value qui se trouve dans le même espace. Cela amène une co-créativité, c’est intéressant. Il fait aussi vivre le Musée comme avec le brunch qu’il propose tous les dimanches et qui commence à avoir une certaine notoriété à Nantes. Nous souhaitons que les gens puissent revenir sans se lasser à l’inverse d’un simple snack qui répond seulement au besoin du moment.

Le restaurant est ouvert les midis mais également les jeudis en cohérence avec la Nocturne du Musée, les vendredis et samedis soirs. On essaie d’aller plus loin dans cette collaboration, ce n’est pas qu’un simple restaurant. Il faut rendre le Musée accessible et donc être en phase avec la vie extérieure.


« L’éloge de la sensibilité » présentée par Sophie Lévy

« Cette une exposition co-produite avec le Musée des Beaux-Arts de Rennes avec qui nous avons déjà travaillé par le passé. C’est une sélection d’œuvres du XVIII siècle des musées de Rennes, Brest et Quimper. A Nantes, il sera évoqué la peinture de genre (portraits, natures mortes …) et à Rennes la peinture d’Histoire. Les deux expositions ouvriront à un jour d’intervalle et fermeront en même temps, le catalogue sera commun aux deux expositions. Le XVIIIè est très riche en peinture de genre donc nous sommes particulièrement fiers d’accueillir cette exposition. On met à l’honneur ce siècle sous l’angle de la sensibilité. Avant le XVIIIème siècle, on ne prenait pas trop en compte ces émotions, on parlait davantage de raison. La sensibilité évoque à la fois les sentiments mais également le corps par le toucher par exemple. Les portraits deviennent beaucoup plus psychologiques notamment, c’est assez flagrant. Les natures mortes sont plus picturales et sensuelles. Les scènes de genre paraissent plus mouvementées. Cette évolution sociétale se remarque considérablement dans l’art. »

Du 15 février au 12 mai

éloge de la sensibilité musée d'arts de Nantes
L’éloge de la sensibilité vu par Pauline Bouvet (@paulinebouvet17)
 

Ouvert tous les jours, de 11h à 19h (fermeture le mardi)
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Musée d’Arts de Nantes
museedartsdenantes.nantesmetropole.fr

Le Café du Musée
Ouvert tous les jours, de 11h à 19h (fermeture le mardi)
Nocturnes le jeudi, vendredi et samedi de 20h00 à 23h30
Brunch le dimanche de 11h à 15h
cafedumusee.fr

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard